vendredi 11 mars 2022

Ouvrez grand !

J’ai toujours eu une certaine fascination pour la chirurgie à l’époque où elle n’était pas pratiquée par des médecins. Pendant longtemps, les médecins étaient des théoriciens réputés alors que les chirurgiens étaient considérés comme des travailleurs manuels de basse extraction. En effet, un médecin n'a pas le droit d'exercer une profession manuelle pour en tirer profit. Pour cette raison, les actes chirurgicaux leur sont aussi interdits.

Ceux-ci sont donc assurés par les barbiers, qui en plus des coupes de cheveux, des bains et des étuves, traitent les plaies, incisent les abcès, pratiquent les saignées… après diagnostic d'un médecin.

 


Soins chirurgicaux selon un manuscrit anglais du XIe siècle : à gauche, patient atteint de goutte aux pieds que l'on incise et cautérise, à droite en haut patient atteint de hernie inguinale, à droite en bas opération des hémorroïdes.

 

Au XIXe siècle, la chirurgie retrouve la noblesse qu'elle avait perdu depuis l'Antiquité grâce à certains chercheurs qui engendreront la « révolution chirurgicale des trois A » :

L'Anesthésie (à partir de 1846) avec Wells et Morton ;

L'Antisepsie (à partir de 1867) avec Lister  ;

L'Aseptie (à partir de 1886) avec Pasteur .

Cette révolution aurait permis aux chirurgiens d'opérer plus largement, sans être limité par la douleur ou les risques infectieux. La réglementation devient plus sévère et des lois, d'abord locale puis nationale, interdisent la pratique de la chirurgie ambulante (pratiquée par un quidam qui était parfois un artisan talentueux dépositaire d'un savoir empirique transmis par un mentor, mais le plus souvent un rebouteux charlatan). Les sept dernières opérations à avoir été autorisées par des guérisseurs ambulants furent le retrait des cataractes, l'arrachage des dents, la saignée, la pose des sangsues, le traitement de la goutte, le retrait des hémorroïdes et l’ablation des amygdales. 

 

C’est d’ailleurs de cette dernière opération, nommée amygdalectomie, dont je vais vous entretenir aujourd’hui, car je viens de mettre la main sur quelques outils chirurgicaux de la fin du XIXe siècle, dont cet Amygdalotome de Fahnestock (modèle le plus "moderne", datant de 1898), joyeusement surnommé la « guillotine à amygdales ».  



L’amygdalectomie est pratiquée depuis l'Antiquité. À l'origine, elle se faisait soit en les arrachant avec les doigts, soit au couteau après ligature du pédicule.

L'amygdalotome dit "à fourchette" apparait au XIXe siècle. Il s'agit d'une lunette de métal devant laquelle passe une lame qui tranche l'amygdale d'un seul coup, d'où son surnom de guillotine.





Cet outil particulièrement inquiétant fonctionnait à la manière d'une véritable guillotine et permettait de retirer les amygdales infectées.




Cet outil fût cependant remplacé au début du XXème siècle à cause du fort taux d'hémorragie lors des opérations et de la nature imprécise de la machine, qui laissait souvent des restes d'amygdales.


Aujourd'hui, on s'est aperçu que les amygdales, organe lymphoïde, ont un rôle important et que les retirer supprime une barrière immunitaire pouvant, notamment, déclencher des bronchites asthmatiformes. D'où le fait que leur ablation est beaucoup plus rare qu'auparavant.

J'ai un joli lot d'outils que je présenterai de temps à autre sur le blog et croyez-moi, la plupart sont aussi terrifiants que celui-ci.

De quoi se réjouir des progrès de la chirurgie ! 



dimanche 6 mars 2022

Gardez-moi une place au banquet !

 


Sois  assuré  que  tu ne  m'embêteras  jamais  en me  parlant 
de ce qui  te passionne. Tu es astronome ? J'ai des  questions. 
Tu dessines des cartes de la Londres médiévale ? Tu me plais.
Le monde est un banquet de connaissances et chacun de nous 
a apporté un plat à table. Festoyons !



 -Traduction très libre de votre humble serviteur





Une amie m'a texté une capture d'écran de ce tweet en me disant que j'aurais pu en être l'auteur. Effectivement.  J'ai toujours adoré entendre parler les gens de ce qui les passionne. Il y a tellement de connaissances à acquérir sur tellement de sujets et, forcément, je n'aurai pas assez d'une vie pour en connaître le centième. 

Absolument tous les sujets sont riches en détails qui me fascinent et cela, même si le sujet lui-même a peu d'attrait pour moi. J'ai déjà écouté un collègue auteur me parler pendant une heure des subtilités de la musique heavy metal et des variantes du cinéma d'horreur alors que je n'écoute ni l'un, ni l'autre --- ça n'en reste pas moins fascinant. Saviez-vous que plusieurs chanteurs de musique heavy metal font une formation de chant d'opéra ? C'est logique quand on y pense... qui plus est, avec sa structure narrative, ses personnages et ses costumes, la culture heavy metal est très proche de l'opéra. 

Cela dit, la musique heavy metal ne m'attire pas du tout (alors que j'adore l'opéra). Mais j'ai trouvé si passionnant de découvrir que certains albums racontent, une mélodie après l'autre, une sorte d'épopée, exactement comme un opéra ou un ballet. Curieux, j'ai essayé d'écouter l'un des albums recommandé par ce passionné. J'ai détesté la première chanson et j'ai cessé mon écoute à la seconde. Toutefois, je suis ensuite allé lire les paroles (souvent de grande qualité poétique) et j'ai googlé des photos du spectacle. Ça m'a donné un aperçu.   

C'est tellement fascinant d'en apprendre davantage sur un domaine inconnu lorsque la personne qui vous en parle vous offre sa culture sur un plateau d'argent, sans condescendance ni mépris, juste pour le plaisir de partager ses connaissances.  

Les discussions entre cabinetiers, ou avec des collectionneurs, sont évidemment riches en découvertes. J'ai également la chance de lire les billets numismatiques de Clodjee ou les Carnets du Futurible, entre autres. Ce sont toujours des sujets que j'adore. S'il avait vécu de nos jours, Jean-Henri Fabre aurait probablement été très actif sur les médias sociaux, à publier des vidéos d'insectes qu'il aurait filmé avec son cell et partageant ses succès et déboires entomologiques dans des billets savoureux (il avait de nombreux correspondants et tenait à ce que ses observations soit d'une limpidité accessible au grand public). J'adore Québec Science, National Geographic, Art in America, Historia, et j'en passe...

Mais je crois qu'il convient aussi de sortir de sa zone de confort, comme j'ai raconté plus haut à propos du heavy metal. 

Le cabinetier, le vrai, est un spectateur du grand Théâtre du Monde ; toutes les merveilles de la Nature et toutes les connaissances humaines sont sur un même pied d'égalité. Le Cabinetier digne de ce nom traite tous les sujets avec la même curiosité et s'efforce de garder l'esprit ouvert à toutes les connaissances. Il n'y a aucune hiérarchie entre les divers registres du Savoir. Rien n'oblige le Cabinetier à s'intéresser à tout, mais par définition, hiérarchiser les connaissances est à l'opposé de l'esprit même d'un cabinet qui se veut une représentation en miniature des connaissances du monde entier.

Il n'y a pas de sot métier. Il n'y a pas de bas-savoir.       

Le monde est un banquet de connaissances et chacun de nous a apporté un plat à table. 

Festoyons... mais surtout, goûtons à tous les plats !