jeudi 27 février 2020

Sur les traces du Professeur Lidenbrock (hommage à Jules Verne -2)


Relire 20.000 lieues sous les mers m’a donné en vie de relire mon autre Verne favori, Voyage au Centre de la Terre.


 Ma vieille copie de roman, offerte par mon oncle Marcel, 
qui lui-même la tenait de mon grand-oncle Florent, qui lui-même l'avait reçu d'un
frère enseignant... c'est dire que le livre a, lui aussi, voyagé !

Encore dans ce roman, on y parle beaucoup des sciences naturelles — mais si le cabinet du capitaine Nemo comporte surtout des coquillages, celui du professeur Lidenbrock se constitue, bien sûr, d’échantillons minéralogiques.


 Ce cabinet était un véritable musée. Tous les échantillons du règne minéral s’y trouvaient étiquetés avec l’ordre le plus parfait, suivant les trois grandes divisions des minéraux inflammables, métalliques et lithoïdes. Comme je les connaissais, ces bibelots de la science minéralogique ! Que de fois, au lieu de muser avec des garçons de mon âge, je m’étais plu à épousseter ces graphites, ces anthracites, ces houilles, ces lignites, ces tourbes ! Et les bitumes, les résines, les sels organiques qu’il fallait préserver du moindre atome de poussière ! Et ces métaux, depuis le fer jusqu’à l’or, dont la valeur relative disparaissait devant l’égalité absolue des spécimens scientifiques ! Et toutes ces pierres qui eussent suffi à reconstruire la maison de Königstrasse, même avec une belle chambre de plus, dont je me serais si bien arrangé !

[chapitre 2]


Ce roman m’a fait rêver d’expéditions spéléologiques pendant longtemps ! J’ai eu la chance, enfant, d’être invité au Saguenay par le père d’une amie (Nadia, celle qui m’a déjà offert d’autres échantillons) à une visite au Trou de la Fée.


Le marchandage, dans mon souvenir, s’est déroulé à peu près ainsi :

— Tsé Sébas… Quand on va aller au Saguenay, mon père a dit qu’on visiterait une caverne.
— Hein !? Chanceuse !!!
— Je peux inviter un ami, ça te tente ?
— *sans voix un instant, puis* CERTAIN QUE ÇA ME TENTE !!!
— Mais en échange… vu que tu sais faire des tresses… j’aimerais ça que tu m’en fasses comme Kathleen… durant le trajet.


(pour ceux qui auraient oublié la star des années 90 et son abrutissant « Ça va bien »)…


Reste que j’en ai ramené mon premier échantillon minéralogique issu d’une caverne, du granit.


Ceci m’amenant à cela, le hasard fait bien les choses... 

La semaine dernière, au moment même où je me disais que ma collection de minéraux aurait besoin d’être un peu étoffée, j’ai trouvé cette boîte d’échantillon à cinq dollars dans un magasin de seconde main — le même endroit où j’ai trouvé les éponges du précédent billet.

Il s’agit d’une boîte montée par le Ministère des Richesses Naturelles (comme le sac aux éponges). Cette fois, il est possible de dater l’objet : l’intérieur du couvercle indique qu’il s’agit d’une « série offerte par l’honorable René Lévesque, ministre ». 



Le grand homme politique ayant occupé ce poste de 1961 à 1966, on peut donc dire que la collection est âgée d’environ 60 ans.


(Il y a des naturalistes à Lévis — ou toujours le même ? — qui se débarrassent de forts beaux objets).

Cela dit, le ministère vend encore une collection de ce type, aux spécimens légèrement différents.


La cryolite, par exemple, n’est plus présente, et c’est bien dommage (j’y reviendrai).

Cette boîte est une excellente sélection pour démarrer une collection sans se donner trop de mal — ou pour les enseignants qui abordent les roches et minéraux dans la Progression des Apprentissages et qui seront bientôt à planifier leur budget 2020-2021 d’achat de matériel didactique (message subtil).

Parmi les minéraux qui figurent dans ma boîte, en voici certains méritant davantage le titre de curiosités que d’autres.


Stibine (Chine)


La stibine ou stibnite est une espèce minérale composée de sulfure d'antimoine. Elle a longtemps été utilisée dans les mascaras et peut donner un effet de scintillement aux feux d'artifice. C'est le principal minerai de l'antimoine, elle est utilisée dans la fabrication d'allumettes de sûreté, de pièces pyrotechniques et dans la vulcanisation du caoutchouc.



Cryolite (Groenland)


La cryolite est une espèce minérale composée de fluorure double de sodium et d'aluminium. Les rares cristaux peuvent atteindre 3 cm. C'est un minéral rare.

À la fin du XVIIIe siècle, un cargo de la Compagnie royale du commerce groenlandais ramène du Groenland des échantillons de divers minerais à Copenhague. Les premiers échantillons de cryolite ont été étudiés par Heinrich Christian Friedrich Schumacher en 1795. On rapporta que la cryolite avait un aspect transparent et brillant et qu'elle avait la propriété de fondre sous l'action d'une flamme, comme de la glace. 

HEIN !?!?

Il y avait un petit éclat dans le fond de la case de l'échantillon, il fallait absolument que j'essaie...




C'est une expérience assez impressionnante !



Corindon (Afrique du Sud)


Le corindon est une espèce minérale composée d'alumine anhydre cristallisée. Certaines variétés naturelles de corindon sont des pierres précieuses : le rubis (s’il est rouge) et le saphir (autres couleurs). La dureté du corindon est de 9 sur l'échelle de Mohs, que la pierre soit naturelle ou artificielle, ce qui en fait le deuxième minéral naturel le plus dur après le diamant (10).


Hématite (Québec)


L’hématite est une espèce minérale composée d’oxyde de fer. Son existence est rapportée par Pline l'Ancien. Le nom de l’hématite est emprunté au latin haematites, qui signifie « sang ». La poudre d’hématite était d’ailleurs utilisée comme pigment rouge. L'hématite fut utilisée comme pigment au paléolithique supérieur par nos ancêtres Homo sapiens. Pulvérisée puis mélangée à l'eau ou (plus rarement) aux huiles végétales et animales, elle s'apposait sur la roche des murs, ce qui permettait à nos ancêtres de dessiner et de peindre les grottes et cavités. Dans l'Égypte ancienne, l'hématite était considérée comme ayant le pouvoir de guérir les maladies du sang (ce minéral composé principalement de fer a la particularité de teinter l'eau en rouge. C'est pourquoi les Égyptiens pensaient qu'elle favorisait la production de sang).

On a trouvé, sur la planète Mars, en 2004, des sphères qui pourraient être intégralement ou en partie composées d'hématite. L'hématite se forme habituellement par l'action érosive de l'eau, ce qui suppose la présence, à une époque, d'eau sur Mars.



Ilménite (Québec)


L’ilménite est une espèce minérale formée d'oxyde minéral de fer et de titane. Ce qui est intéressant est surtout qu’il est présent dans les roches lunaires et dans la plupart des météorites.


Magnétite (Québec)


La magnétite est une espèce minérale composée d'oxyde de fer.

La magnétite est connue depuis au moins l'âge du fer ; la première mention écrite date de Pline l'Ancien. L'histoire des aimants commence dans l'Antiquité. En Chine, puis un peu plus tard en Grèce, les hommes découvrent une pierre noire, la pierre d'aimant, qui a le pouvoir d'attirer le fer. Partout où ces étonnantes propriétés de la magnétite sont remarquées, apparaissait la tentation de l'associer à la magie : « Une pierre d'aimant placée sous l'oreiller d'une épouse infidèle avait le pouvoir, disait-on, de lui faire avouer sa faute. La croyance populaire attribuait à l'aimant une telle force qu'un seul fragment suffisait pour guérir toute sorte de maux et même servir de contraceptif. »

Vers l'an Mille, en Chine, la boussole (appelée « aiguille du sud »), première application de la propriété d'aimantation, fait son apparition dans la navigation maritime. Cette boussole ou marinette, qui est constituée d'une aiguille de fer aimantée par contact avec la pierre d'aimant, sera introduite en Europe environ deux siècles plus tard au contact des Arabes. Le champ magnétique terrestre à l'origine de l'aimantation de la magnétite a permis à l'homme muni d'une marinette de mieux se situer dans l'espace et donc de l'explorer.

Selon des recherches réalisées par deux biologistes américains, Gould et Kirschvink, les cellules de l'être humain renferment des cristaux de magnétite, ce qui pourrait amener à comprendre les propriétés bio-électromagnétiques du corps humain. Le pigeon aurait de la magnétite, présente à trois endroits bien distincts et en quantités différentes, à l'intérieur de son bec, ce qui l'aiderait à se diriger en vol.



Muscovite (Québec)


La muscovite est un minéral du groupe des silicates (sous-groupe des phyllosilicates). C'est un silicate hydroxylé d'aluminium et de potassium. Des cristaux géants peuvent atteindre 4,5 m et 77 t.
Décrite par James Dwight Dana en 1850, son nom est inspiré de la traduction de vitrum muscoviticum (« verre de Moscou »), le minéral étant utilisé comme vitre, notamment pour les fourneaux. On l’utiliser comme substitut du verre à la fin du XVIIIe siècle. "En Sibérie, on le substitue au verre dont on garnit les fenêtres. On lit dans l'Histoire générale des Voyages que la marine russe fait une grande consommation de mica pour les vitrages des vaisseaux, et qu'on le préfère au verre, parce qu'il n'est pas sujet à se briser par les commotions qu'occasionne l'effet de la poudre à canon. On s'est servi aussi du mica pour faire des lanternes, et il y a de l'avantage à le substituer à la corne parce qu'il est plus diaphane et n'est pas susceptible d'être brûlé par la flamme d'une bougie."

Béryl (Québec)


Le béryl est une espèce minérale du groupe des silicates. Certains cristaux peuvent atteindre 18 m et peser 180 t. Son nom vient du latin beryllus, « cristal de la couleur de l’eau de mer ». Il est cité pour la première fois par Pline. D'éclat vitreux et mat, le béryl présente plusieurs couleurs variées. Soumis à un rayonnement ultraviolet, il est fluorescent et luminescent. Les variétés transparentes sont utilisées comme pierres précieuses : l'aigue-marine, bleue et vert-bleu ; l'émeraude, verte à cause de la présence de chrome.



Mon cristal d’émeraude

En guise de conclusion, je vous laisse sur la présentation d'un autre cabinet minéralogique décrit par Verne, cette fois au chapitre 14 dans Les Enfants du Capitaine Grant.

"Les visiteurs, après avoir examiné les divers spécimens d’or, parcoururent le musée minéralogique de la banque. Ils virent, étiquetés et classés, tous les produits dont est formé le sol australien. L’or ne fait pas sa seule richesse, et il peut passer à juste titre pour un vaste écrin où la nature renferme ses bijoux précieux. Sous les vitrines étincelaient la topaze blanche, rivale des topazes brésiliennes, le grenat almadin, l’épidote, sorte de silicate d’un beau vert, le rubis balais, représenté par des spinelles écarlates et par une variété rose de la plus grande beauté, des saphirs bleu clair et bleu foncé, tels que le corindon, et aussi recherchés que celui du Malabar ou du Tibet, des rutiles brillants, et enfin un petit cristal de diamant qui fut trouvé sur les bords du Turon. Rien ne manquait à cette resplendissante collection de pierres fines, et il ne fallait pas aller chercher loin l’or nécessaire à les enchâsser. À moins de les vouloir toutes montées, on ne pouvait en demander davantage".

mardi 25 février 2020

Aquafauna 3 : sur les traces du capitaine Nemo (hommage à Jules Verne)


L’un des livres marquants de ma jeunesse fut 20 000 lieues sous les mers de Jules Verne. Dès l’enfance, grâce aux documentaires de la National Geographic, d’Omniscience et du Commandant Cousteau, je rêvais de devenir un grand explorateur naturaliste. Les derniers Géants de F. Place y est sûrement pour quelque chose également, de même que les dessins animés Il était une fois l’Homme, Les Mystérieuses Cités d’Or et Ordi.


C’est en sixième année que l’enseignante en charge partielle des sciences, madame Nancy Cadotte, m’a fait découvrir Jules Verne. Mon préféré restera toujours 20 000 lieues sous les mers. Ah ! Comme j’ai rêvé de faire partie de l’équipage du Nautilus, d’être l’assistant, l’apprenti, le successeur du capitaine Nemo !

Je crois que ce fut la seule fois de ma vie que, sitôt un bouquin terminé, je l’ai aussitôt recommencé sans perdre une minute. Je dois même admettre que Verne a réussi à me faire croire à l’existence de l’Atlantide jusqu’à l’adolescence.

Ce n’est pas sans raison que les plans du Nautilus sont exposés dans mon bureau !



J’ai relu le chef-d’œuvre hier. Maintenant que je suis adulte et auteur, j’en vois les multiples défauts. L’abus « d’info-dump » est épouvantable. Les dialogues sont utilisés uniquement pour situer le lecteur (autrement dit, trop souvent les interlocuteurs savent déjà ce qu'ils se disent). La façon dont les « nègres », les « sauvages » et les « naturels » sont décrit trahie une vision colonialiste et raciste qui, bien que d’époque (disons-le, et même que Verne était assez ouvert d’esprit pour son temps), est assez épouvantable aujourd’hui ; le traitement réservé aux animaux qu’on tue par plaisir n’est pas mieux… et le personnage de Conseil est d’un ridicule inimitable et sans une once de crédibilité !

Mais considérant qu'il est stupide de juger des oeuvres de jadis à l'aune des valeurs d'aujourd'hui...

QUELLE HISTOIRE !!! QUELLE AVENTURE !!! QUEL ÉMERVEILLEMENT !!!

Oui, en dépit de ses relents de documentaire déguisé et des valeurs caduques, j’aurais tellement voulu, encore une fois, m’embarquer sur le Nautilus…


UN CHEF D’ŒUVRE, JE PERSISTE ET JE SIGNE !!!




Coquillages

Je me souviens, enfant, avoir débuté ma collection de coquillages juste après cette lecture car, érudit entre les érudits, grand naturaliste des océans, le capitaine Nemo tient un cabinet de curiosités qui est longuement décrit au chapitre 11 :

Un conchyliologue un peu nerveux se serait pâmé certainement devant d'autres vitrines plus nombreuses où étaient classés les échantillons de l'embranchement des mollusques. Je vis là une collection d'une valeur inestimable, et que le temps me manquerait à décrire tout entière. Parmi ces produits, je citerai, pour mémoire seulement […] l'élégant marteau royal de l'Océan indien dont les régulières taches blanches ressortaient vivement sur un fond rouge et brun, un spondyle impérial, aux vives couleurs, tout hérissé d'épines, rare spécimen dans les muséums européens, et dont j'estimai la valeur à vingt mille francs, un marteau commun des mers de la Nouvelle-Hollande, qu'on se procure difficilement […] coquillages délicats et fragiles, que la science a baptisés de ses noms les plus charmants.



J’ai déjà montré deux de mes présentoirs à coquillage.



J’en ai un troisième, tenant davantage de la boîte de voyageur : une mallette en bambou, trouvée pour 1$ à la Ressourcerie, divisée en cases. J’ignore à quoi elle servait, mais une fois remplie de spécimen, elle semble avoir appartenu à quelque naturaliste ayant exploré l’Asie.




Corail

Si nous continuons à suivre la route du Nautilus, notre prochaine escale est au chapitre 24, où le noble capitaine descend dans un récif coralien pour y ensevelir la dépouille d’un de ses hommes.

La lumière produisait mille effets charmants en se jouant au milieu de ces ramures si vivement colorées. Il me semblait voir ces tubes membraneux et cylindriques trembler sous l’ondulation des eaux. […] Mais bientôt les buissons se resserrèrent, les arborisations grandirent. De véritables taillis pétrifiés et de longues travées d’une architecture fantaisiste s’ouvrirent devant nos pas.


J’ai toujours adoré ramasser des coraux fossilisés en voyage.  Les coraux sont des animaux de l'embranchement des Cnidaires (lequel comporte aussi les méduses), caractérisés par un squelette calcaire. Les coraux vivent généralement en colonies d'individus qui sont des « superorganismes ». Les individus sont nommés « polypes ».

C’est ce squelette calcaire qu’on peut parfois trouver dans le sable. J’ai rangé ma collection dans une boîte vitrée achetée à la Ressourcerie (3$) et j’ai commencé à identifier les spécimens, puis le moral m’a manqué.


C’est que, voyez vous…

…l'explosion du 20 avril 2010, sur la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon a causé une marée noire qui s’est répandue dans le Golfe du Mexique, causant une catastrophe écologique épouvantable. Les études de Steve Ross, de l'université de Wilmington, démontre que plusieurs espèces de corail ont disparu de la surface de la Terre suite à ce cataclysme.

C’est donc bien tristement que j’ai découvert que mon cabinet contenait deux espèces de corail qui n’existent plus désormais.

Et si vous googlez le mot « corail », vous verrez que les choses ne sont pas en voie de s’arranger pour ces magnifiques animaux…




Perle

Après les funérailles parmi les coraux sur lesquelles s’achèvent la première partie du roman, la seconde commence avec l’exploration, en chapitres 2 et 3, d’une fosse aux huitres perlières, où Nemo cache une perle valant dix millions de francs.

Là, le capitaine Nemo s’arrêta, et de la main il nous indiqua un objet que je n’avais pas encore aperçu.[…] C’était une huître de dimension extraordinaire, une tridacne gigantesque, un bénitier qui eût contenu un lac d’eau sainte, une vasque dont la largeur dépassait deux mètres, et conséquemment plus grande que celle qui ornait le salon du Nautilus. […] Là, entre les plis foliacés, je vis une perle libre dont la grosseur égalait celle d’une noix de cocotier. Sa forme globuleuse, sa limpidité parfaite, son orient admirable en faisaient un bijou d’un inestimable prix.


Une perle se forme lorsqu’un débris (souvent un grain de sable) tombe sous le mollusque. Pour se protéger, l’animal enduit lentement ce débris de nacre, créant une perle.

On peut trouver des morceaux de nacre n’importe où…



…mais les perles sont plus rares. La mienne est beaucoup plus modeste que celle du capitaine Nemo : mon ami Érick, joaillier de métier, ne l’évalue pas à plus de 15$.  





Éponge

Au chapitre 4 de la seconde partie, le Nautilus traverse la Mer Rouge où on parle longuement des éponges et de leur récolte.

L’éponge n’est point un végétal comme l’admettent encore quelques naturalistes, mais un animal du dernier ordre, un polypier inférieur à celui du corail. Son animalité n’est pas douteuse, et on ne peut même adopter l’opinion des Anciens qui la regardaient comme un être intermédiaire entre la plante et l’animal. […] J’appris à Conseil que ces éponges se pêchaient de deux manières, soit à la drague, soit à la main. Cette dernière méthode qui nécessite l’emploi des plongeurs, est préférable, car en respectant le tissu du polypier, elle lui laisse une valeur très-supérieure.


Comme l’explique Verne, dans l'histoire de la biologie, les éponges ont longtemps été considérées comme un végétal. La répartition géographique des éponges est très large, car elles ont colonisé les eaux marines, douces et saumâtres, de profondeurs faibles jusqu'à plus de 5 000 m de fond, sous tous les climats.



J’ai trouvé mes propres éponges dans une brocante, dans ce sac scellé, portant un ancien logo du Ministère des Richesses Naturelles. L’étiquette mentionnait l’année 1963 et stipulait qu’elles provenaient du Golfe du St-Laurent. On me l’a cédé pour 3$.


Les éponges sont capables de se régénérer, même si elles sont écrasées, râpées et tamisées afin de dissocier complètement les cellules : les cellules sont capables de se réassocier spontanément pour former de nouveaux individus. Selon des études récentes, les éponges peuvent atteindre des âges très avancés, surtout celles vivant dans les océans froids et qui ont une croissance très lente. Cette étude estime l'âge des plus grandes Scolymastra joubini à au moins 13 000 ans. Cela ferait de ces éponges parmi les plus vieux êtres vivants au monde.


Il paraît qu’on peut apprêter les éponges en dessert délicat… si quelqu’un a déjà testé une recette, l’inscrire dans les commentaires !


Fanons de baleine

Faisant route vers le pôle Sud, Verne nous entretient longuement sur les baleines durant le chapitre 12 (seconde partie).  Il faut dire que l’un des personnages, le Québécois Ned Land, est un grand chasseur de baleines.



On divise souvent les baleines en deux groupes : celles à dents et celles à fanons.

Un fanon est composé de deux plaques rigides entre lesquelles on trouve des poils. Les poils sont visibles sur la partie vers l'intérieur de la bouche. Les fanons permettent aux baleines de se nourrir de petites proies telles le krill et les copépodes. 


Ils agissent comme un filtre laissant circuler l'eau mais retenant les éléments nutritifs plus gros, qui se prendront dans les poils. La baleine ouvre la gueule en avançant et emprisonne ainsi de l'eau et des particules (krill mais parfois aussi poissons), puis elle applique sa langue contre les fanons ce qui laisse s'échapper l'eau et qui retient les éléments solides dont elle se nourrit. De plus grosses proies comme des poissons ou même des oiseaux marins seront retenues par les fanons, mais recrachées si elles sont trop volumineuses pour passer l'œsophage, dont le diamètre est faible chez les baleines. L’histoire de Pinocchio (ou de Jonas) n’a donc aucun sens…


J’ai déniché au Fou du Roi, à Rimouski, cet échantillon de fanons de baleine. Je me suis d’ailleurs étonné de constater à quel point c’est souple. On dirait des poils de balai ; même les vibrisses des chats sont plus dures.



jeudi 13 février 2020

Génétique, légendes, route de la soie et reconstitution de cadavres…


Dans ce billet, je vous parle de mythes, de rêveries d’enfant, d’Histoire du commerce, de génétique et de l’art de restaurer un insecte en morceaux… mais ce sera plutôt décousu.

Autant comme étudiant en génétique défroqué que lorsque j’étais enfant, j’ai toujours été fasciné par ces espèces dont on ignore l’origine. Prenez le chien : bien qu’on ne risque pas de voir une bande de bichons maltais traquer un cerf en meute, on sait très bien qu’il s’agit (fort probablement) d’une espèce issue du loup.

D’autres espèces posent un problème plus important quand vient le temps d’en retracer l’origine. Le lama, par exemple, n’existe pas à l’état sauvage. Les civilisations précolombiennes ont conçu cette espèce en sélectionnant et croisant des spécimens de guanaco et de vigogne (deux animaux sauvages cousins), puis en élaborant des lignées très spécifique.

Les origines du maïs sont encore plus mystérieuses et n’ont été révélés que par les récentes études en la biologie moléculaire, qui accréditent aujourd’hui la théorie selon laquelle la téosinte est l’ancêtre du maïs cultivé — toute une surprise, car les deux plantes ne se ressemblent pas beaucoup.

Téosinte (à gauche) et maïs (à droite) 

Quand j’étais enfant, j’étais fasciné par les mythes des continents perdus : Atlantide, Mu, Lémurie, Thulé, Hyperborée et Kumari-Kandam, pour ne nommer que les plus connus (ah ! 20 000 lieues sous les mers, Les Cités d’Or, Thongor de Lémurie et j’en passe…) J’étais persuadé que les animaux et les plantes dont on ne pouvait retracer l’origine avaient été apportés par ces civilisations perdues qui, fuyant les cataclysmes, n’avaient pris avec eux que les espèces les plus essentielles à leur survie. Le peuple de Mu, selon mon hypothèse de gamin, se nourrissait forcément de maïs et avait domestiqué le lama, dont les espèces sauvages avaient péri avec le reste du continent.

Pour se vêtir, forcément, ces peuples anciens et raffinés usaient de la soie. La « preuve » ? Le ver à soie n’existe pas dans la nature !  



Carte sur mon mur montrant une vision d'artiste de l'Atlantide, d'après divers textes... 
Non, je ne crois plus à ces légendes depuis l’âge de 12 ans, environ… 
mais avouez que c’est extraordinaire à imaginer !




Bon… lâchons les mythes de civilisations perdues et soyons sérieux.

Les tissus de soie sont principalement issus du cocon produit par la chenille (ver à soie) du bombyx du mûrier (bombix mori) pour la soie de culture, et du ver à soie Tussah (plusieurs espèces de chenilles du genre Antheraea) pour la soie sauvage.

Le bombyx mori (bombyx du mûrier, dont la chenille est nommée « ver à soie ») est inconnu à l'état sauvage. C'est un produit tout à fait artificiel de sélection par élevage. Pendant des millénaires, les Chinois ont croisé des lignées, sélectionnés des sous-espèces, introduits dans le cheptel d’autres sous-espèces, éliminés les croisements décevants pour obtenir, par simple élevage, un résultat si complexe qu’il est impossible, même avec la science génétique actuelle, de retracer « l’arbre généalogique » de l’espèce.

D’ailleurs, l’espèce n’est même pas viable sans l’Homme. Les cocons sont si grands et si durs que les papillons ne peuvent s'en échapper que s'ils sont aidés : ils mourraient sans les humains.
À l'état domestique où il a été réduit, le papillon femelle ne vole pas. La femelle apparaît avec des ailes blanches, des antennes peu développées et un abdomen volumineux. Ils sont incapables de consommer ni nourriture, ni eau à l'état adulte. La femelle pond en sortant de la chrysalide, puis meure.


Une étude des stades du bombyx mori


La passion pour cette fibre textile fut l’un des grands moteurs civilisateurs de l’Histoire. De l’Occident, des commerçant voyageait vers l’Orient pour s’en procurer, élaborant ce qu’on appela la Route de la Soie. Non seulement il en découlera des échanges culturels, mais il s’agira d’une des motivations (avec les épices et les gemmes) de chercher une route vers l’Orient par l’océan, et ainsi (re)découvrir l’Amérique.


L’usage de la soie semble débuter, selon les découvertes récentes, en Chine entre 3000 et 2000 ans av. J.-C. (le plus vieux fragment de soie découvert en Chine datant de 2570 av. J.-C.). La technique a été tenue secrète jusqu'en 560. Trois millénaires d’exclusivité durant lesquels la Chine aurait fait commerce de ce tissu précieux sans jamais en transmettre le secret. D’autres civilisations tentèrent de percer le secret de l’art de fabriquer la soie par le biais d'espions de tous genres (principalement des moines en « voyage d’étude » dans les temples chinois et des princesses offertes en mariage). 

On finit par en découvrir l’origine, mais il était fort difficile de ramener ses vers introuvables dans la Nature en grandes quantité vers d’autres contrées pour démarrer un élevage. Mais le secret était éventé, et on découvrit vite qu’un papillon sauvage, Antheraea pernyi (de la famille des Saturniidae) pouvait lui aussi produire de la soie dite « sauvage ».  




Mes Antheraea pernyi,mâle et femelle.


C’est par un total hasard que j’ai découvert mes spécimens mâle et femelle d’Antheraea pernyi : dans un bric-à-brac, on vendait des dizaines de cadres en bois pour 1$ chacun. J’y cherchais de quoi encadrer ma collection de plumes et je suis tombé sur ceci :

Mais les spécimens étaient en bien plus mauvais état que cela. Ils ne tenaient plus dans le cadre ; rassemblés au fond du cadre, les corps sans ailes, les ailes détachées, des antennes…

Je n’avais pas grand-chose à perdre sinon mon dollar — au pire, m’étais-je dis, je pourrais récupérer la boîte vitrée pour un autre spécimen et je pourrais exposer une aile dans une grosse fiole, à cette manière :


Mais une fois à la maison, j’ai quand même décidé de tenter une restauration. J’ai commencé par afficher une photo HD prise sur Google pour départager quels morceaux allaient avec quels spécimens ; ensuite, j’ai laissé tomber une goutte de crazy glue sur une miette tombée d’une aile. J’avais peur que la puissance de la colle ne dissolve l’aile mais non, ça fonctionne bien !

Armé de pinces à sourcils et de ma colle folle, j’ai ainsi remonté les spécimens.

J’ai finalement humidifié le centre des corps au compte-goutte et repiqué des épingles, pour le résultat montré plus haut.




   



dimanche 9 février 2020

Aquafauna (2)


Je reviens sur mon ancien cadre à papillons de nuit, fabriqué avec un coffret à vin, que je trouvais trop massif pour mes papillons.



…je les avais donc placés dans un cadre plus délicat…



…mais j’avais une idée pour le récupérer : j’ai vu ce type de montage de coquillage sur le web, vendu en boutique spécialisée…



…je viens de terminer le mien. J’ai couvert le liège d’un carton noir. Les spécimens ne sont pas identifiés car je compte éventuellement numéroter chacune de mes curiosités et faire un catalogue, où je pourrai non seulement mettre le nom du spécimen, mais aussi une description et quelques détails.




Les coquillages tiennent en place grâce à des épingles plantées dans le liège, qui servent de support.

Voici maintenant quelques mots sur certains spécimens qui s’y trouvent.


Conus litteratus



De la grande famille des Conus, un autre cône potentiellement mortel pour l’Homme. Celui-ci tient son nom de ses taches, qui rappellent parfois de l’écriture cunéiforme ou arabe. Dans les cabinets de curiosités, on tenait en haute estime un conus litteratus où l’on croyait déchiffrer des mots — il s’agissait, disait-on, d’indices sur les secrets de la Création.

Acheté à la boutique de souvenirs du musée Pointe-à-Callière pour 3 $


Harpago chiragra


La caractéristique la plus étonnant de ce strombe est la présence chez les adultes, surtout les femelles, de grandes excroissances qui l'ont fait surnommer la « strombe araignée ». Les jeunes en sont dépourvus. Les mâles sont de taille plus petite que les femelles.



Le mâle



Et la femelle



Ce coquillage aussi était considéré comme une curiosité. Dès la Renaissance, Ulisse Aldrovandi, un grand cabinetier, en fait mention dans ses textes.


On prétendait alors que la coquille pouvait, à la mort du mollusque qui l’animait, prendre vie à son tour et devenir un crustacé.

Acheté à la boutique de souvenirs du musée Pointe-à-Callière pour 4,25 $



Pecten maximus (Coquille Saint-Jacques)


La coquille Saint-Jacques tient son nom des croyants qui effectuaient un pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle (en l'honneur de saint Jacques le Majeur) ; ils utilisaient alors ce coquillage pour mendier. En s’identifiant comme pèlerins, ils augmentaient les chances de recevoir une aumône.  
La coquille avait également une place importante dans la mythologie greco-romaine, étant le char que Aphrodite/Vénus avait choisi pour atteindre Chypre.

La célèbre Naissance de Vénus de Botticelli y fait d’ailleurs référence.


Ma coquille Saint-Jacques vient d'un ancien service de cuisine de ma mère, qui en possédait une douzaine dans lesquelles elle servait l'entrée du même nom. J'en ai hérité lorsqu'elle s'en est acheté en porcelaine.