jeudi 13 février 2020

Génétique, légendes, route de la soie et reconstitution de cadavres…


Dans ce billet, je vous parle de mythes, de rêveries d’enfant, d’Histoire du commerce, de génétique et de l’art de restaurer un insecte en morceaux… mais ce sera plutôt décousu.

Autant comme étudiant en génétique défroqué que lorsque j’étais enfant, j’ai toujours été fasciné par ces espèces dont on ignore l’origine. Prenez le chien : bien qu’on ne risque pas de voir une bande de bichons maltais traquer un cerf en meute, on sait très bien qu’il s’agit (fort probablement) d’une espèce issue du loup.

D’autres espèces posent un problème plus important quand vient le temps d’en retracer l’origine. Le lama, par exemple, n’existe pas à l’état sauvage. Les civilisations précolombiennes ont conçu cette espèce en sélectionnant et croisant des spécimens de guanaco et de vigogne (deux animaux sauvages cousins), puis en élaborant des lignées très spécifique.

Les origines du maïs sont encore plus mystérieuses et n’ont été révélés que par les récentes études en la biologie moléculaire, qui accréditent aujourd’hui la théorie selon laquelle la téosinte est l’ancêtre du maïs cultivé — toute une surprise, car les deux plantes ne se ressemblent pas beaucoup.

Téosinte (à gauche) et maïs (à droite) 

Quand j’étais enfant, j’étais fasciné par les mythes des continents perdus : Atlantide, Mu, Lémurie, Thulé, Hyperborée et Kumari-Kandam, pour ne nommer que les plus connus (ah ! 20 000 lieues sous les mers, Les Cités d’Or, Thongor de Lémurie et j’en passe…) J’étais persuadé que les animaux et les plantes dont on ne pouvait retracer l’origine avaient été apportés par ces civilisations perdues qui, fuyant les cataclysmes, n’avaient pris avec eux que les espèces les plus essentielles à leur survie. Le peuple de Mu, selon mon hypothèse de gamin, se nourrissait forcément de maïs et avait domestiqué le lama, dont les espèces sauvages avaient péri avec le reste du continent.

Pour se vêtir, forcément, ces peuples anciens et raffinés usaient de la soie. La « preuve » ? Le ver à soie n’existe pas dans la nature !  



Carte sur mon mur montrant une vision d'artiste de l'Atlantide, d'après divers textes... 
Non, je ne crois plus à ces légendes depuis l’âge de 12 ans, environ… 
mais avouez que c’est extraordinaire à imaginer !




Bon… lâchons les mythes de civilisations perdues et soyons sérieux.

Les tissus de soie sont principalement issus du cocon produit par la chenille (ver à soie) du bombyx du mûrier (bombix mori) pour la soie de culture, et du ver à soie Tussah (plusieurs espèces de chenilles du genre Antheraea) pour la soie sauvage.

Le bombyx mori (bombyx du mûrier, dont la chenille est nommée « ver à soie ») est inconnu à l'état sauvage. C'est un produit tout à fait artificiel de sélection par élevage. Pendant des millénaires, les Chinois ont croisé des lignées, sélectionnés des sous-espèces, introduits dans le cheptel d’autres sous-espèces, éliminés les croisements décevants pour obtenir, par simple élevage, un résultat si complexe qu’il est impossible, même avec la science génétique actuelle, de retracer « l’arbre généalogique » de l’espèce.

D’ailleurs, l’espèce n’est même pas viable sans l’Homme. Les cocons sont si grands et si durs que les papillons ne peuvent s'en échapper que s'ils sont aidés : ils mourraient sans les humains.
À l'état domestique où il a été réduit, le papillon femelle ne vole pas. La femelle apparaît avec des ailes blanches, des antennes peu développées et un abdomen volumineux. Ils sont incapables de consommer ni nourriture, ni eau à l'état adulte. La femelle pond en sortant de la chrysalide, puis meure.


Une étude des stades du bombyx mori


La passion pour cette fibre textile fut l’un des grands moteurs civilisateurs de l’Histoire. De l’Occident, des commerçant voyageait vers l’Orient pour s’en procurer, élaborant ce qu’on appela la Route de la Soie. Non seulement il en découlera des échanges culturels, mais il s’agira d’une des motivations (avec les épices et les gemmes) de chercher une route vers l’Orient par l’océan, et ainsi (re)découvrir l’Amérique.


L’usage de la soie semble débuter, selon les découvertes récentes, en Chine entre 3000 et 2000 ans av. J.-C. (le plus vieux fragment de soie découvert en Chine datant de 2570 av. J.-C.). La technique a été tenue secrète jusqu'en 560. Trois millénaires d’exclusivité durant lesquels la Chine aurait fait commerce de ce tissu précieux sans jamais en transmettre le secret. D’autres civilisations tentèrent de percer le secret de l’art de fabriquer la soie par le biais d'espions de tous genres (principalement des moines en « voyage d’étude » dans les temples chinois et des princesses offertes en mariage). 

On finit par en découvrir l’origine, mais il était fort difficile de ramener ses vers introuvables dans la Nature en grandes quantité vers d’autres contrées pour démarrer un élevage. Mais le secret était éventé, et on découvrit vite qu’un papillon sauvage, Antheraea pernyi (de la famille des Saturniidae) pouvait lui aussi produire de la soie dite « sauvage ».  




Mes Antheraea pernyi,mâle et femelle.


C’est par un total hasard que j’ai découvert mes spécimens mâle et femelle d’Antheraea pernyi : dans un bric-à-brac, on vendait des dizaines de cadres en bois pour 1$ chacun. J’y cherchais de quoi encadrer ma collection de plumes et je suis tombé sur ceci :

Mais les spécimens étaient en bien plus mauvais état que cela. Ils ne tenaient plus dans le cadre ; rassemblés au fond du cadre, les corps sans ailes, les ailes détachées, des antennes…

Je n’avais pas grand-chose à perdre sinon mon dollar — au pire, m’étais-je dis, je pourrais récupérer la boîte vitrée pour un autre spécimen et je pourrais exposer une aile dans une grosse fiole, à cette manière :


Mais une fois à la maison, j’ai quand même décidé de tenter une restauration. J’ai commencé par afficher une photo HD prise sur Google pour départager quels morceaux allaient avec quels spécimens ; ensuite, j’ai laissé tomber une goutte de crazy glue sur une miette tombée d’une aile. J’avais peur que la puissance de la colle ne dissolve l’aile mais non, ça fonctionne bien !

Armé de pinces à sourcils et de ma colle folle, j’ai ainsi remonté les spécimens.

J’ai finalement humidifié le centre des corps au compte-goutte et repiqué des épingles, pour le résultat montré plus haut.




   



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