mardi 25 février 2020

Aquafauna 3 : sur les traces du capitaine Nemo (hommage à Jules Verne)


L’un des livres marquants de ma jeunesse fut 20 000 lieues sous les mers de Jules Verne. Dès l’enfance, grâce aux documentaires de la National Geographic, d’Omniscience et du Commandant Cousteau, je rêvais de devenir un grand explorateur naturaliste. Les derniers Géants de F. Place y est sûrement pour quelque chose également, de même que les dessins animés Il était une fois l’Homme, Les Mystérieuses Cités d’Or et Ordi.


C’est en sixième année que l’enseignante en charge partielle des sciences, madame Nancy Cadotte, m’a fait découvrir Jules Verne. Mon préféré restera toujours 20 000 lieues sous les mers. Ah ! Comme j’ai rêvé de faire partie de l’équipage du Nautilus, d’être l’assistant, l’apprenti, le successeur du capitaine Nemo !

Je crois que ce fut la seule fois de ma vie que, sitôt un bouquin terminé, je l’ai aussitôt recommencé sans perdre une minute. Je dois même admettre que Verne a réussi à me faire croire à l’existence de l’Atlantide jusqu’à l’adolescence.

Ce n’est pas sans raison que les plans du Nautilus sont exposés dans mon bureau !



J’ai relu le chef-d’œuvre hier. Maintenant que je suis adulte et auteur, j’en vois les multiples défauts. L’abus « d’info-dump » est épouvantable. Les dialogues sont utilisés uniquement pour situer le lecteur (autrement dit, trop souvent les interlocuteurs savent déjà ce qu'ils se disent). La façon dont les « nègres », les « sauvages » et les « naturels » sont décrit trahie une vision colonialiste et raciste qui, bien que d’époque (disons-le, et même que Verne était assez ouvert d’esprit pour son temps), est assez épouvantable aujourd’hui ; le traitement réservé aux animaux qu’on tue par plaisir n’est pas mieux… et le personnage de Conseil est d’un ridicule inimitable et sans une once de crédibilité !

Mais considérant qu'il est stupide de juger des oeuvres de jadis à l'aune des valeurs d'aujourd'hui...

QUELLE HISTOIRE !!! QUELLE AVENTURE !!! QUEL ÉMERVEILLEMENT !!!

Oui, en dépit de ses relents de documentaire déguisé et des valeurs caduques, j’aurais tellement voulu, encore une fois, m’embarquer sur le Nautilus…


UN CHEF D’ŒUVRE, JE PERSISTE ET JE SIGNE !!!




Coquillages

Je me souviens, enfant, avoir débuté ma collection de coquillages juste après cette lecture car, érudit entre les érudits, grand naturaliste des océans, le capitaine Nemo tient un cabinet de curiosités qui est longuement décrit au chapitre 11 :

Un conchyliologue un peu nerveux se serait pâmé certainement devant d'autres vitrines plus nombreuses où étaient classés les échantillons de l'embranchement des mollusques. Je vis là une collection d'une valeur inestimable, et que le temps me manquerait à décrire tout entière. Parmi ces produits, je citerai, pour mémoire seulement […] l'élégant marteau royal de l'Océan indien dont les régulières taches blanches ressortaient vivement sur un fond rouge et brun, un spondyle impérial, aux vives couleurs, tout hérissé d'épines, rare spécimen dans les muséums européens, et dont j'estimai la valeur à vingt mille francs, un marteau commun des mers de la Nouvelle-Hollande, qu'on se procure difficilement […] coquillages délicats et fragiles, que la science a baptisés de ses noms les plus charmants.



J’ai déjà montré deux de mes présentoirs à coquillage.



J’en ai un troisième, tenant davantage de la boîte de voyageur : une mallette en bambou, trouvée pour 1$ à la Ressourcerie, divisée en cases. J’ignore à quoi elle servait, mais une fois remplie de spécimen, elle semble avoir appartenu à quelque naturaliste ayant exploré l’Asie.




Corail

Si nous continuons à suivre la route du Nautilus, notre prochaine escale est au chapitre 24, où le noble capitaine descend dans un récif coralien pour y ensevelir la dépouille d’un de ses hommes.

La lumière produisait mille effets charmants en se jouant au milieu de ces ramures si vivement colorées. Il me semblait voir ces tubes membraneux et cylindriques trembler sous l’ondulation des eaux. […] Mais bientôt les buissons se resserrèrent, les arborisations grandirent. De véritables taillis pétrifiés et de longues travées d’une architecture fantaisiste s’ouvrirent devant nos pas.


J’ai toujours adoré ramasser des coraux fossilisés en voyage.  Les coraux sont des animaux de l'embranchement des Cnidaires (lequel comporte aussi les méduses), caractérisés par un squelette calcaire. Les coraux vivent généralement en colonies d'individus qui sont des « superorganismes ». Les individus sont nommés « polypes ».

C’est ce squelette calcaire qu’on peut parfois trouver dans le sable. J’ai rangé ma collection dans une boîte vitrée achetée à la Ressourcerie (3$) et j’ai commencé à identifier les spécimens, puis le moral m’a manqué.


C’est que, voyez vous…

…l'explosion du 20 avril 2010, sur la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon a causé une marée noire qui s’est répandue dans le Golfe du Mexique, causant une catastrophe écologique épouvantable. Les études de Steve Ross, de l'université de Wilmington, démontre que plusieurs espèces de corail ont disparu de la surface de la Terre suite à ce cataclysme.

C’est donc bien tristement que j’ai découvert que mon cabinet contenait deux espèces de corail qui n’existent plus désormais.

Et si vous googlez le mot « corail », vous verrez que les choses ne sont pas en voie de s’arranger pour ces magnifiques animaux…




Perle

Après les funérailles parmi les coraux sur lesquelles s’achèvent la première partie du roman, la seconde commence avec l’exploration, en chapitres 2 et 3, d’une fosse aux huitres perlières, où Nemo cache une perle valant dix millions de francs.

Là, le capitaine Nemo s’arrêta, et de la main il nous indiqua un objet que je n’avais pas encore aperçu.[…] C’était une huître de dimension extraordinaire, une tridacne gigantesque, un bénitier qui eût contenu un lac d’eau sainte, une vasque dont la largeur dépassait deux mètres, et conséquemment plus grande que celle qui ornait le salon du Nautilus. […] Là, entre les plis foliacés, je vis une perle libre dont la grosseur égalait celle d’une noix de cocotier. Sa forme globuleuse, sa limpidité parfaite, son orient admirable en faisaient un bijou d’un inestimable prix.


Une perle se forme lorsqu’un débris (souvent un grain de sable) tombe sous le mollusque. Pour se protéger, l’animal enduit lentement ce débris de nacre, créant une perle.

On peut trouver des morceaux de nacre n’importe où…



…mais les perles sont plus rares. La mienne est beaucoup plus modeste que celle du capitaine Nemo : mon ami Érick, joaillier de métier, ne l’évalue pas à plus de 15$.  





Éponge

Au chapitre 4 de la seconde partie, le Nautilus traverse la Mer Rouge où on parle longuement des éponges et de leur récolte.

L’éponge n’est point un végétal comme l’admettent encore quelques naturalistes, mais un animal du dernier ordre, un polypier inférieur à celui du corail. Son animalité n’est pas douteuse, et on ne peut même adopter l’opinion des Anciens qui la regardaient comme un être intermédiaire entre la plante et l’animal. […] J’appris à Conseil que ces éponges se pêchaient de deux manières, soit à la drague, soit à la main. Cette dernière méthode qui nécessite l’emploi des plongeurs, est préférable, car en respectant le tissu du polypier, elle lui laisse une valeur très-supérieure.


Comme l’explique Verne, dans l'histoire de la biologie, les éponges ont longtemps été considérées comme un végétal. La répartition géographique des éponges est très large, car elles ont colonisé les eaux marines, douces et saumâtres, de profondeurs faibles jusqu'à plus de 5 000 m de fond, sous tous les climats.



J’ai trouvé mes propres éponges dans une brocante, dans ce sac scellé, portant un ancien logo du Ministère des Richesses Naturelles. L’étiquette mentionnait l’année 1963 et stipulait qu’elles provenaient du Golfe du St-Laurent. On me l’a cédé pour 3$.


Les éponges sont capables de se régénérer, même si elles sont écrasées, râpées et tamisées afin de dissocier complètement les cellules : les cellules sont capables de se réassocier spontanément pour former de nouveaux individus. Selon des études récentes, les éponges peuvent atteindre des âges très avancés, surtout celles vivant dans les océans froids et qui ont une croissance très lente. Cette étude estime l'âge des plus grandes Scolymastra joubini à au moins 13 000 ans. Cela ferait de ces éponges parmi les plus vieux êtres vivants au monde.


Il paraît qu’on peut apprêter les éponges en dessert délicat… si quelqu’un a déjà testé une recette, l’inscrire dans les commentaires !


Fanons de baleine

Faisant route vers le pôle Sud, Verne nous entretient longuement sur les baleines durant le chapitre 12 (seconde partie).  Il faut dire que l’un des personnages, le Québécois Ned Land, est un grand chasseur de baleines.



On divise souvent les baleines en deux groupes : celles à dents et celles à fanons.

Un fanon est composé de deux plaques rigides entre lesquelles on trouve des poils. Les poils sont visibles sur la partie vers l'intérieur de la bouche. Les fanons permettent aux baleines de se nourrir de petites proies telles le krill et les copépodes. 


Ils agissent comme un filtre laissant circuler l'eau mais retenant les éléments nutritifs plus gros, qui se prendront dans les poils. La baleine ouvre la gueule en avançant et emprisonne ainsi de l'eau et des particules (krill mais parfois aussi poissons), puis elle applique sa langue contre les fanons ce qui laisse s'échapper l'eau et qui retient les éléments solides dont elle se nourrit. De plus grosses proies comme des poissons ou même des oiseaux marins seront retenues par les fanons, mais recrachées si elles sont trop volumineuses pour passer l'œsophage, dont le diamètre est faible chez les baleines. L’histoire de Pinocchio (ou de Jonas) n’a donc aucun sens…


J’ai déniché au Fou du Roi, à Rimouski, cet échantillon de fanons de baleine. Je me suis d’ailleurs étonné de constater à quel point c’est souple. On dirait des poils de balai ; même les vibrisses des chats sont plus dures.



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