jeudi 27 février 2020

Sur les traces du Professeur Lidenbrock (hommage à Jules Verne -2)


Relire 20.000 lieues sous les mers m’a donné en vie de relire mon autre Verne favori, Voyage au Centre de la Terre.


 Ma vieille copie de roman, offerte par mon oncle Marcel, 
qui lui-même la tenait de mon grand-oncle Florent, qui lui-même l'avait reçu d'un
frère enseignant... c'est dire que le livre a, lui aussi, voyagé !

Encore dans ce roman, on y parle beaucoup des sciences naturelles — mais si le cabinet du capitaine Nemo comporte surtout des coquillages, celui du professeur Lidenbrock se constitue, bien sûr, d’échantillons minéralogiques.


 Ce cabinet était un véritable musée. Tous les échantillons du règne minéral s’y trouvaient étiquetés avec l’ordre le plus parfait, suivant les trois grandes divisions des minéraux inflammables, métalliques et lithoïdes. Comme je les connaissais, ces bibelots de la science minéralogique ! Que de fois, au lieu de muser avec des garçons de mon âge, je m’étais plu à épousseter ces graphites, ces anthracites, ces houilles, ces lignites, ces tourbes ! Et les bitumes, les résines, les sels organiques qu’il fallait préserver du moindre atome de poussière ! Et ces métaux, depuis le fer jusqu’à l’or, dont la valeur relative disparaissait devant l’égalité absolue des spécimens scientifiques ! Et toutes ces pierres qui eussent suffi à reconstruire la maison de Königstrasse, même avec une belle chambre de plus, dont je me serais si bien arrangé !

[chapitre 2]


Ce roman m’a fait rêver d’expéditions spéléologiques pendant longtemps ! J’ai eu la chance, enfant, d’être invité au Saguenay par le père d’une amie (Nadia, celle qui m’a déjà offert d’autres échantillons) à une visite au Trou de la Fée.


Le marchandage, dans mon souvenir, s’est déroulé à peu près ainsi :

— Tsé Sébas… Quand on va aller au Saguenay, mon père a dit qu’on visiterait une caverne.
— Hein !? Chanceuse !!!
— Je peux inviter un ami, ça te tente ?
— *sans voix un instant, puis* CERTAIN QUE ÇA ME TENTE !!!
— Mais en échange… vu que tu sais faire des tresses… j’aimerais ça que tu m’en fasses comme Kathleen… durant le trajet.


(pour ceux qui auraient oublié la star des années 90 et son abrutissant « Ça va bien »)…


Reste que j’en ai ramené mon premier échantillon minéralogique issu d’une caverne, du granit.


Ceci m’amenant à cela, le hasard fait bien les choses... 

La semaine dernière, au moment même où je me disais que ma collection de minéraux aurait besoin d’être un peu étoffée, j’ai trouvé cette boîte d’échantillon à cinq dollars dans un magasin de seconde main — le même endroit où j’ai trouvé les éponges du précédent billet.

Il s’agit d’une boîte montée par le Ministère des Richesses Naturelles (comme le sac aux éponges). Cette fois, il est possible de dater l’objet : l’intérieur du couvercle indique qu’il s’agit d’une « série offerte par l’honorable René Lévesque, ministre ». 



Le grand homme politique ayant occupé ce poste de 1961 à 1966, on peut donc dire que la collection est âgée d’environ 60 ans.


(Il y a des naturalistes à Lévis — ou toujours le même ? — qui se débarrassent de forts beaux objets).

Cela dit, le ministère vend encore une collection de ce type, aux spécimens légèrement différents.


La cryolite, par exemple, n’est plus présente, et c’est bien dommage (j’y reviendrai).

Cette boîte est une excellente sélection pour démarrer une collection sans se donner trop de mal — ou pour les enseignants qui abordent les roches et minéraux dans la Progression des Apprentissages et qui seront bientôt à planifier leur budget 2020-2021 d’achat de matériel didactique (message subtil).

Parmi les minéraux qui figurent dans ma boîte, en voici certains méritant davantage le titre de curiosités que d’autres.


Stibine (Chine)


La stibine ou stibnite est une espèce minérale composée de sulfure d'antimoine. Elle a longtemps été utilisée dans les mascaras et peut donner un effet de scintillement aux feux d'artifice. C'est le principal minerai de l'antimoine, elle est utilisée dans la fabrication d'allumettes de sûreté, de pièces pyrotechniques et dans la vulcanisation du caoutchouc.



Cryolite (Groenland)


La cryolite est une espèce minérale composée de fluorure double de sodium et d'aluminium. Les rares cristaux peuvent atteindre 3 cm. C'est un minéral rare.

À la fin du XVIIIe siècle, un cargo de la Compagnie royale du commerce groenlandais ramène du Groenland des échantillons de divers minerais à Copenhague. Les premiers échantillons de cryolite ont été étudiés par Heinrich Christian Friedrich Schumacher en 1795. On rapporta que la cryolite avait un aspect transparent et brillant et qu'elle avait la propriété de fondre sous l'action d'une flamme, comme de la glace. 

HEIN !?!?

Il y avait un petit éclat dans le fond de la case de l'échantillon, il fallait absolument que j'essaie...




C'est une expérience assez impressionnante !



Corindon (Afrique du Sud)


Le corindon est une espèce minérale composée d'alumine anhydre cristallisée. Certaines variétés naturelles de corindon sont des pierres précieuses : le rubis (s’il est rouge) et le saphir (autres couleurs). La dureté du corindon est de 9 sur l'échelle de Mohs, que la pierre soit naturelle ou artificielle, ce qui en fait le deuxième minéral naturel le plus dur après le diamant (10).


Hématite (Québec)


L’hématite est une espèce minérale composée d’oxyde de fer. Son existence est rapportée par Pline l'Ancien. Le nom de l’hématite est emprunté au latin haematites, qui signifie « sang ». La poudre d’hématite était d’ailleurs utilisée comme pigment rouge. L'hématite fut utilisée comme pigment au paléolithique supérieur par nos ancêtres Homo sapiens. Pulvérisée puis mélangée à l'eau ou (plus rarement) aux huiles végétales et animales, elle s'apposait sur la roche des murs, ce qui permettait à nos ancêtres de dessiner et de peindre les grottes et cavités. Dans l'Égypte ancienne, l'hématite était considérée comme ayant le pouvoir de guérir les maladies du sang (ce minéral composé principalement de fer a la particularité de teinter l'eau en rouge. C'est pourquoi les Égyptiens pensaient qu'elle favorisait la production de sang).

On a trouvé, sur la planète Mars, en 2004, des sphères qui pourraient être intégralement ou en partie composées d'hématite. L'hématite se forme habituellement par l'action érosive de l'eau, ce qui suppose la présence, à une époque, d'eau sur Mars.



Ilménite (Québec)


L’ilménite est une espèce minérale formée d'oxyde minéral de fer et de titane. Ce qui est intéressant est surtout qu’il est présent dans les roches lunaires et dans la plupart des météorites.


Magnétite (Québec)


La magnétite est une espèce minérale composée d'oxyde de fer.

La magnétite est connue depuis au moins l'âge du fer ; la première mention écrite date de Pline l'Ancien. L'histoire des aimants commence dans l'Antiquité. En Chine, puis un peu plus tard en Grèce, les hommes découvrent une pierre noire, la pierre d'aimant, qui a le pouvoir d'attirer le fer. Partout où ces étonnantes propriétés de la magnétite sont remarquées, apparaissait la tentation de l'associer à la magie : « Une pierre d'aimant placée sous l'oreiller d'une épouse infidèle avait le pouvoir, disait-on, de lui faire avouer sa faute. La croyance populaire attribuait à l'aimant une telle force qu'un seul fragment suffisait pour guérir toute sorte de maux et même servir de contraceptif. »

Vers l'an Mille, en Chine, la boussole (appelée « aiguille du sud »), première application de la propriété d'aimantation, fait son apparition dans la navigation maritime. Cette boussole ou marinette, qui est constituée d'une aiguille de fer aimantée par contact avec la pierre d'aimant, sera introduite en Europe environ deux siècles plus tard au contact des Arabes. Le champ magnétique terrestre à l'origine de l'aimantation de la magnétite a permis à l'homme muni d'une marinette de mieux se situer dans l'espace et donc de l'explorer.

Selon des recherches réalisées par deux biologistes américains, Gould et Kirschvink, les cellules de l'être humain renferment des cristaux de magnétite, ce qui pourrait amener à comprendre les propriétés bio-électromagnétiques du corps humain. Le pigeon aurait de la magnétite, présente à trois endroits bien distincts et en quantités différentes, à l'intérieur de son bec, ce qui l'aiderait à se diriger en vol.



Muscovite (Québec)


La muscovite est un minéral du groupe des silicates (sous-groupe des phyllosilicates). C'est un silicate hydroxylé d'aluminium et de potassium. Des cristaux géants peuvent atteindre 4,5 m et 77 t.
Décrite par James Dwight Dana en 1850, son nom est inspiré de la traduction de vitrum muscoviticum (« verre de Moscou »), le minéral étant utilisé comme vitre, notamment pour les fourneaux. On l’utiliser comme substitut du verre à la fin du XVIIIe siècle. "En Sibérie, on le substitue au verre dont on garnit les fenêtres. On lit dans l'Histoire générale des Voyages que la marine russe fait une grande consommation de mica pour les vitrages des vaisseaux, et qu'on le préfère au verre, parce qu'il n'est pas sujet à se briser par les commotions qu'occasionne l'effet de la poudre à canon. On s'est servi aussi du mica pour faire des lanternes, et il y a de l'avantage à le substituer à la corne parce qu'il est plus diaphane et n'est pas susceptible d'être brûlé par la flamme d'une bougie."

Béryl (Québec)


Le béryl est une espèce minérale du groupe des silicates. Certains cristaux peuvent atteindre 18 m et peser 180 t. Son nom vient du latin beryllus, « cristal de la couleur de l’eau de mer ». Il est cité pour la première fois par Pline. D'éclat vitreux et mat, le béryl présente plusieurs couleurs variées. Soumis à un rayonnement ultraviolet, il est fluorescent et luminescent. Les variétés transparentes sont utilisées comme pierres précieuses : l'aigue-marine, bleue et vert-bleu ; l'émeraude, verte à cause de la présence de chrome.



Mon cristal d’émeraude

En guise de conclusion, je vous laisse sur la présentation d'un autre cabinet minéralogique décrit par Verne, cette fois au chapitre 14 dans Les Enfants du Capitaine Grant.

"Les visiteurs, après avoir examiné les divers spécimens d’or, parcoururent le musée minéralogique de la banque. Ils virent, étiquetés et classés, tous les produits dont est formé le sol australien. L’or ne fait pas sa seule richesse, et il peut passer à juste titre pour un vaste écrin où la nature renferme ses bijoux précieux. Sous les vitrines étincelaient la topaze blanche, rivale des topazes brésiliennes, le grenat almadin, l’épidote, sorte de silicate d’un beau vert, le rubis balais, représenté par des spinelles écarlates et par une variété rose de la plus grande beauté, des saphirs bleu clair et bleu foncé, tels que le corindon, et aussi recherchés que celui du Malabar ou du Tibet, des rutiles brillants, et enfin un petit cristal de diamant qui fut trouvé sur les bords du Turon. Rien ne manquait à cette resplendissante collection de pierres fines, et il ne fallait pas aller chercher loin l’or nécessaire à les enchâsser. À moins de les vouloir toutes montées, on ne pouvait en demander davantage".

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