mardi 25 janvier 2022

Les souvenirs d'un bijou

 Lorsqu’on pense à l’archéologie, on imagine Carter découvrant le tombeau de Toutankhamon ou les spécialistes du Shaanxi mettant à jour le mausolée de Qin. 


Mais dans l’essentiel, la compréhension du passé se fait de manière beaucoup plus humble. Le biface qu’un anonyme homme des cavernes a façonné, des fragments de poterie d’humbles paysans, des boucles de ceinture de légionnaires, des pièces de monnaies usées, des aiguilles, des porte-bonheurs, des figurines, des outils, des socs de charrue, des tablettes d’argiles où figurent des inventaires d’entrepôt, des fers à cheval, des poêles en fonte, des bouteilles, de la vaisselle, etc, etc, etc…


C’est par les objets laissés par monsieur et madame Tout-le-Monde qu’on comprend le quotidien d’une société ainsi que son niveau de vie moyen. On ne pourrait, par exemple, se baser sur le sarcophage d’un pharaon pour déterminer la richesse d’un paysan égyptien. 


Et c’est pour cela que les objets les plus modestes, les plus humbles, me fascinent autant. Dans la littérature d’imaginaire, on voit souvent des exemples d’un don psychique fictif permettant de « voir » le passé de l’objet — vous vous doutez bien que j’en rêverais ! Vous imaginez par combien de mains sont passées les pièces de monnaies de l’Empire romain ? 


...bon, voir l’Histoire du « point de vue » d’une pièce de monnaie doit être assez plate, considérant qu’elle passait son temps dans une bourse ou un coffret, et n’était sortie que pour être réempochée. 


Mais un bijou, voilà un bon "témoin" ! Suivant ce rêve de voir ce que l'objet a "vu", un bijou serait un candidat idéal. Au contraire d'une pièce de monnaie, un bijou est toujours exposé à la vue, bien en évidence. En plus, on le porte pour les événements importants, alors les chances d'assister à de scènes marquantes sont élevées.


Donc, les bijoux et ornements modestes, utilisés par Monsieur-Madame Tout-le-Monde au cours des événements qui leur tenaient à coeur, seraient selon moi d'excellents témoins de la vie quotidienne au cours des époques passées.


Au cours de 2022, je ferai la présentation de certains des bijoux antiques que je possède.



Jonc romain de style thrace, circa 300 ap. JC.


Les Romains étaient très friands de bijoux, portant souvent une bague à chaque doigt - et parfois même à la deuxième et à la troisième jointure de chaque doigt. Ils avaient également un penchant pour de nombreuses autres formes de bijoux personnels, notamment les bracelets portés à la fois sur l'avant-bras et le haut du bras, les boucles de ceinture, les chaînes, les pendentifs, les boucles d'oreilles, les épingles à cheveux et les broches. 


J’ai le privilège de posséder une bague en bronze exceptionnellement bien conservée datant du IVe siècle après J.-C. La bague montre beaucoup d'usure, mais l'état de conservation est remarquable. 




Plusieurs bagues de ce modèle furent fabriquées juste avant la chute de l’Empire Romain. D’inspiration thrace, le modèle de jonc en losange fut très populaire durant cette période. On en trouve de nombreux exemplaires sur les sites archéologiques de la ville de Rome, mais aussi en Bulgarie et en Serbie.  


Le site officiel du Vatican vend d’ailleurs plusieurs artefacts historiques mineurs (j’ose espérer qu’il s’agit d’une source fiable). L’un des bijoux historiques proposé est un jonc en losange comme le mien — on peut en voir un peu partout sur les sites spécialisés, toujours dans les mêmes prix, mais rarement en aussi bon état que le mien.   





L’importance de l’usure laisse à croire que ma bague a été portée pendant plusieurs vies - transmises de génération en génération. Dans la mesure où cette bague a été produite en une seule pièce, elle a un aspect moderne et élégant malgré le fait qu'elle a seize ou dix-sept siècles. Son ton sombre et riche est caractéristique du bronze ancien. 

Même sous la lentille d'un joaillier, il y a peu de dégradation discernable due à la corrosion ou à l'oxydation (la plupart des petits artefacts comme celui-ci souffrent d'une dégradation importante). 

Elle est cependant très petite (les gens n’étaient pas grands à l’époque). Ma conjointe, qui prétend mesurer 5'2" (avec ses souliers à talons, je suppose), ne peut glisser ce bijou qu’à son petit doigt.



Il s'agit d'une autre pièce boudée par les musées et les institutions d'enseignement supérieur provenant de la collection du regretté professeur dont j'ai hérité de la pointe d'épieu Bura --- une collection se consacrant uniquement à l'Histoire de la métallurgie.  


Je n'ai pas encore déterminé quel genre de présentoir j'allais utiliser. Je songe à un petit globe de verre, à moins que je ne fasse un cadre vitré consacré à tous mes objets romains : pointe de flèche, monnaie, bijoux, attache de bride et grelot. 


C'est donc prétexte supplémentaire pour aller visiter l'exposition Pompéi, Cité immortelle au Muz' d'la Civ. Non seulement j'ai toujours adoré les visites en musée mais désormais, j'y puise également de l'inspiration pour créer des présentoirs.

Je vous en reparlerai !








mercredi 19 janvier 2022

Un autre colosse

J’ai déjà parlé de mon scarabée Atlas auparavant ; pour ceux qui s’intéressent peu à la mythologie, sachez qu’il tient leur nom du titan Atlas, un géant qui portait le poids du monde sur ses épaules.




Deux autres scarabées portant des noms de colosses étaient sur ma liste de curiosités à acquérir : le Goliath et le Hercule. Pour ce qui est du Hercule, je ne le possède pas encore, malheureusement…




…mais j’ai toutefois un Goliath dont je suis plutôt fier.


Ces trois scarabées forment une sorte de triptyque entomologique classique. On peut d’ailleurs les voir ci-dessous, illustrés ensemble (le goliath sur l'image est d'une sous-espèce différente du miens, j'en parle plus loin).



Découverte du Goliath

Le tout premier spécimen de Goliath observé par un naturaliste occidental fut trouvé vivant, flottant dans l'estuaire du Gabon par le capitaine d'un navire marchand. Comme j’en ai déjà parlé dans les billets traitant de Basilius Besner ou d’Albertus Seba, la plupart des cabinetiers écumaient les ports à la recherche de spécimens intéressants ramenés par les marins. Certains humbles matelots parvinrent ainsi à augmenter leurs revenus de façon importante et certains devinrent même des chasseurs de curiosités réputés.


Ce fut le cas de notre capitaine qui, constatant que le goliath était énorme, décida de l'amener en Europe en 1766. Il fut d’abord acheté par David Ogilvie, chirurgien de marine, puis par William Hunter, un célèbre naturaliste anglais. Ce Goliath se trouve toujours dans la collection Hunter, aujourd'hui conservée à l'université de Glasgow. 




Cinq ans plus tard, l'entomologiste amateur Drury publiera une image du Goliath dans son Illustrations of Natural History et le baptisera selon son propre nom (Goliathus druryi)… sans citer William Hunter, ce qui occasionna une querelle avec ce dernier. 


Il se trouve que Hunter avait prêté son spécimen à un certain Da Costa pour que celui-ci le fasse illustrer. Toutefois Da Costa fut emprisonné pour détournement de fonds et dû vendre ses illustrations. Drury les acheta légalement et décida, comme personne n’avait décrit le spécimen auparavant, de lui donner son nom.


Bref, la chicane était pognée.


Dès son arrivée en Europe, le Goliath suscita l’intérêt des collectionneurs d'insectes. Or, William Hunter était le seul possesseur de Goliath. Drury s'efforça à son tour d'obtenir un exemplaire mais malheureusement, personne ne savait où vivait l'espèce précisément. 


Drury financera alors une expédition menée par Henry Smeathman au Sierra Leone (en 1775). L’équipe d’explorateurs ne parviendront pas à ramener un Goliath identique, mais ils en trouveront un similaire : le Goliath Regius.



Goliathus goliathus, (celui de Hunter)


Goliathus Regius, (celui de Drury)


Du coup, Hunter avait « son » Goliath, Drury avait aussi le « sien », tout le monde est content, chacun sa bébitte, la chicane était finie… de vrais enfants.



Les sous-espèces de Goliath


On sait aujourd’hui qu’il existe possiblement six (mais plus probablement cinq) sous-espèces de Goliath. Chacun a ses petites particularités et sa propre aire de distribution.



Le Goliathus goliatus, c’est-à-dire le Goliath de Hunter, est répandu dans toute l'Afrique. C'est le seul Goliath avec une coloration rougeâtre, ce qui les rend faciles à repérer dans la nature, et ils sont populaires auprès des collectionneurs et des éleveurs du monde entier. Ce sont les plus fréquents.


Le Goliathus regius, ou celui « de Drury », est le plus grand de tous. Il peut atteindre 3 à 4 pouces de longueur, soit la taille d'une main humaine. Il se présente dans des tons de noir et de blanc.


C’est aussi le cas du Goliathus albosignatus qui porte des motifs caractéristiques sur le dos et l'abdomen. On surnomme ces dessins des « os » ou, en anglais, des « starbursts ».

Goliathus orientalis a une distribution limitée par rapport aux autres Goliath, ce qui le rend plus difficiles à attraper et peut-être le plus rare des Goliath... 

…pour le savoir, il faudrait déterminer si Goliathus atlas est une espèce à part entière. C’est une forme très rare de Goliath - seuls quelques spécimens ont été collectés. La plupart des entomologistes croient qu’il ne s’agit pas réellement d’une espèce, mais d’un hybride résultant d'un croisement entre G. regius et G. cacicus.

Le dernier d’entre eux, Goliathus cacicus, se distingue par sa carapace plus colorée. Alors que les autres Goliath sont limités aux nuances de rougeâtre, de noir et de blanc, Goliathus cacicus  présente des teintes de jaune, ambre et orange. 




Le Goliath dans la nature


Dans la nature, les Goliath se nourrissent principalement de fruits. S’ils ne sont pas dangereux pour les humains, ils peuvent être assez agressifs entre eux. Dans la nature, les mâles se battent pour la nourriture et les partenaires ; peuvent devenir extrêmement territoriaux si un autre coléoptère commence à pénétrer dans leur domaine.



Comme la plupart des espèces de coléoptères, les Goliath ont une vie courte. Ils meurent environ 3 à 6 mois après avoir atteint leur forme adulte.


De façon assez surprenante pour un insecte aussi gros, les Goliath sont très habiles en vol. Leurs ailes battent furieusement vite, faisant un boucan d’enfer lorsqu’ils volent : on compare cela au bruit d’un marteau-piqueur.




Rareté

Les Goliaths, quelle que soit l'espèce, restèrent longtemps très difficile à obtenir et d'autant plus recherchés. En 1813 on n'en trouvait que trois ou quatre dans les collections européennes, un demi-siècle après l'arrivée du spécimen de Hunter. L’élevage du Goliath reste cependant difficile, le taux d'échec est élevé et les adultes sont souvent plus petits que dans la nature.


C’est d’ailleurs ce qui le rend sa valeur si élevée auprès des revendeurs de spécimens.


Les prix sont en dollars américains.



Mon Goliath

Je le dis tout de suite, je n’ai pas dépensé une telle fortune pour mon Goliath. 


Il m’arrive de vendre des spécimens à des boutiques ; principalement des minéraux ou des fossiles, mais aussi des antiquités qui ne m’intéressent pas (les deux boutiques où je vends n’achètent leurs spécimens animaliers qu’auprès d’éleveurs certifiés pour ne pas nuire aux écosystèmes). 

Il y a quelque chose de très « Indiana Jones » à se pointer dans une boutique avec une mallette, être reconnu par le propriétaire et invité dans l’arrière-boutique pour y déballer les trouvailles qu’on a fait lors d’une expédition en plein-air…

Bref, vous l’aurez compris, j’ai obtenu mon Goliathus en échange de certaines de mes propres trouvailles.


Il s’agit d’un Goliathus Orientalis, un spécimen de belle taille (9 cm) que j’ai négocié avec un aplomb dont je suis resté plutôt fier : je savais que voulais un Goliathus, je savais que le boutiquier en avait quelques-uns, je connaissais la valeur des spécimens que j’avais à échanger et après une longue discussion, le monsieur a accepté de me payer avec un Goliathus, mais pas avec l’unique Regius dont il disposait. Il a contre-offert un Goliathus goliathus, sauf que j’étais davantage séduit par les motifs noirs et blancs de l’Orientalis… et finalement, il a accepté !      




Mon Goliathus Orientalis méritait son propre dôme, provenant du Ikea mais acheté de seconde main à la Ressourcerie. La base de bois est un chandelier géant acheté chez Michael’s dans le panier à liquidations. Le morceau de bois flotté fut trouvé sur la berge du St-Laurent.



J’ai hésité très longuement à savoir si je déployais ou non ses ailes… et je l’avoue humblement, j’ai choké comme on dit en bon français, le risque d’abimer mon spécimen m’a effrayé et je n’ai fait que l’humidifier pour en déployer les pattes (toujours faciles à recoller en cas de bris). 


Peut-être qu’un jour, j’oserai m’armer de courage, rouvrir le dôme et écarter les élytres… mais pas pour l’instant.


Poids

Une dernière petite note pour le poids : c’est vraiment un insecte lourd, bien davantage que mon Atlas qui est pourtant d’une taille comparable. Tenir en main un Goliath est une expérience particulière : on dirait qu’il est trop lourd pour sa taille. Vous souvenez-vous des Tonka en métal, ceux de petite taille ? 



Et bien, c’est le même poids. 

Étonnant, non ?







dimanche 9 janvier 2022

Musique et ensorcellements

C'est cliché de le dire, presque une lapalissade, mais la musique est l'empreinte digitale d'une culture. Les instruments des autres peuples sont une extraordinaire porte d'entrée vers leur savoir. J'ai la chance de posséder une belle collection d'instruments exotiques, dont voici quelques échantillons:



Je compte traiter de chacun d'entre eux durant l'année qui commence, et aujourd'hui je m'attarderai sur deux instruments qu'on liait à la sorcellerie.

Car la musique fut, de tout temps, liées à différentes autres fonctions : la mesure du temps, la compétition, la communication longue-distance, les rites funéraires, la chasse, la guerre, l'amour et le conte, pour n'en nommer que quelques-uns. 

J'ai deux instruments qui furent très spécifiquement liés à la sorcellerie, à savoir le matlhoa du Botswana et le dvojnice mračno des Balkans.


Matlhoa 

Le matlhoa est l'instrument national du Botswana. Il est fait de cocons de chenilles qu'on rempli avec du grain. Le matlhoa traditionnel est constitué d'une paire de chapelets de cocons mesurant environ 1m20 chacun.


   
On le porte aux chevilles, en l'enroulant plusieurs fois. Il s'agit d'un instrument qu'on utilise en dansant selon un rythme très élaboré qui peut varier selon les messages que l'on veut envoyer aux Puissances de la Terre.


Le matlhoa peut servir à demander de bonnes récoltes, à réveiller une source qui s'est asséchée, à obtenir une chasse fructueuse ou à éloigner les ennemis. Le sorcier conduira la danse et sera accompagné de 3, 7, 9 ou 13 guerriers selon le type de danse et l'urgence de la requête.

On utilise encore le matlhoa de nos jours au Botswana, mais uniquement dans un but folklorique et artistique.   



Dvojnice (mračno)

Le dvojnice est un flageolet pouvant être simple ou double. La structure double est la plus ancienne: c'est un type d'instrument à vent qui remonte à l'Antiquité, qu'on ne voit pas beaucoup en Occident mais qui est resté utilisé dans les Balkans. 


Il existe une trentaine de modèles différents de dvojnice, lesquels varient selon la région, pouvant avoir un sac (comme une cornemuse), un conduit simple ou double et un nombre de trous variant entre cinq et neuf, bien que sept trous soient désormais le nombre le plus fréquent afin de s'accorder avec la gamme moderne.    
 



J'adore mon dvojnice double. Dès que je l'ai vu, il m'a tout de suite évoqué la série de L'Oiseau blanc de la fraternité, par Richard Cowper, où les membres d'une même foi se font fendre la langue en deux pour jouer d'une flûte double, laquelle leur permet de projeter des visions d'un monde idéal et fraternel.



Toutefois, mon dvojnice est destiné à un usage beaucoup plus sinistre que la flûte de l'Oiseau Blanc. On m'a dit qu'il avait au moins 150 ans, (bien qu'il fut impossible de le dater avec précision) et j'ai pu apprendre qu'il est du type dit "mračno". 

Je n'ai malheureusement qu'une seule source à propos des dvojnice mračno et c'est un historien originaire de l’Est de la Serbie, monsieur Jovanović. C'est un grand érudit et parfait gentleman que j’ai eu le privilège de rencontrer alors que j’effectuais des recherches pour un projet de roman ruritanien (il ne m'a dit son prénom qu'une fois et, comme mon oreille n'était pas exercée aux phonèmes balkaniques, je ne l'ai pas retenu... et j'étais trop gêné pour le redemander). 

Je n'aime pas beaucoup parler d'un sujet quand je n'ai qu'une seule source, mais monsieur Jovanović est une source que je juge fiable. J'ai quand même tenté de valider certains détails. Ainsi, si on entre uniquement "dvojnice" dans Google, on obtient des  flûtes balkaniques simples et doubles, avec ou sans sac d'air.  



Si on entre "dvojnice mračno", Google donne précisément mon modèle de dvojnice.



Le mot "mračno" (que j'avais prié monsieur Jovanović de m'épeler)  est traduit par Google par "sombre", "sinistre" ou "obscur". Ça ne m'étonne pas... car d'après  monsieur Jovanović, le dvojnice mračno permettrait à celui qui en joue de charmer les légendaires drekavac. 


(je n'ai pu trouvé qu'une seule référence web faisant un lien entre le dvojnice et les drekavac, un vieux scan de GoogleBook datant de 1873).

  

Ici, une petite parenthèse à propos de cet être imaginaire. Comme toutes les créatures mythiques, il y a énormément de variations selon la région, l’époque, les modes et le conteur. La description que je donne ici est celle de monsieur Jovanović, 

 

*

 

La légende des drekavac serait la plus ancienne des légendes serbes. On racontait jadis que les enfants mort-nés qui étaient ensevelis sans être nommés devenaient des drekavac. Autour du VIe siècle, la définition s’est christianisée : on parle désormais d'enfants morts sans baptême.

 

Enragés d’avoir été jetés dans l’oubli par leurs parents, le corps des jeunes enfants se transforme sous terre en une sorte de créature mi-canine, mi-humaine. Douze jours avant le solstice d’hiver (ou durant les douze jours de Noël après le VIe siècle), le drekavac émerge de sa tombe.



Ceci n'est pas vraiment la représentation d'un drekavac, 
mais c'est l'image la plus proche de la gravure qu'on m'a montré.

On croyait généralement qu'il n'était visible que la nuit, en particulier pendant les douze jours de Noël (appelés « jours sans baptême » en serbo-croate) lorsque d'autres démons et créatures mythiques étaient censés être plus actifs. À ce moment, le drekavac hante la demeure de ses parents pour se venger : il égorge le bétail, souille le grain, fait entrer le vent glacial dans la demeure, fait mourir le feu dans l’âtre. On peut savoir qu’il est présent quand la Lune est au plus haut : à ce moment, il est possible de l’entendre sangloter ou murmurer des berceuses. Terriblement jaloux et vindicatif, il pénètre les rêves des autres enfants du couple et les dupe pour qu’ils sortent dans la neige et y meurent de froid.

 

On ne peut se débarrasser d’un drekavac à moins que celui-ci ne soit parvenu à éliminer tout ses frères et sœurs et que les parents finissent par mourir sans descendance. Sinon, il semblerait qu’un drekavac puisse poursuivre une même famille pendant des générations.

 

*


Ainsi, il parait qu'un couple se tenant dans un cimetière la nuit du solstice d'hiver et jouant des berceuses sur un dvojnice mračno peut ainsi charmer les drekavac qui habitent le cimetière: ils reconnaîtront le couple comme leur père et leur mère et obéiront au doigt et à l'oeil durant les douze jours de Noël. Passé cette période, ils retourneront dormir dans leur tombe, mais retrouveront chaque année leurs "parents" si ceux-ci reviennent jouer du dvojnice mračno. Certains contes des Balkans relatent les crimes que des "parents de drekavac" font accomplir à leurs "enfants" pendant ces douze jours : il s'agit généralement d'histoires particulièrement sombres. 

Monsieur Jovanović, qui m'a appris le peu que je connais des drekavac, m'a résumé sommairement l'un de ces contes et honnêtement, c'est carrément épouvantable.


Ce qui, vous l'aurez compris, donne énormément de cachet à mon dvojnice mračno...  

 

 

mardi 4 janvier 2022

Numismatique de cabinetier

 Côté numismatique, je n’ai pas de pièces dignes d’un Clodjee (sérieux, empressez-vous de lire son étude du monde antique sous l’angle des pièces de monnaie, c’est fascinant !). Ce grand érudit de la civilisation latine possède des pièces extraordinaires. Il est collectionneur lorsqu’on qu’on parle de monnaie et de vieux livres, cabinetier pour les exotica et les artificialia, mais à ma connaissance il ne possède que peu, ou pas, de naturalia des règnes animal, végétal et minéral. Son épouse, l’artiste et quadrifoliiste Miyako Matsuda, compose de son côté de magnifiques arrangements de fleurs séchées, ce qui compense d’une certaine manière.

Bref, tout ça pour dire que c’est lui qui m’a offert mes plus belles pièces anciennes, des pièces de bronze montrant Basile II dit "le tueur de Bulgares", empereur de Byzance entre 976 et 1025.


 

Parce que, pour être honnête, l’état des pièces de monnaie m’importe peu. Vous n’avez qu’à jeter un œil à mes pièces de l’Empire romain.

 


Ce que j’aime, c’est de couvrir un maximum de périodes et de régions ; imaginer toutes les personnes qui ont manipulé ces pièces pour acheter des objets. Je rêve d’avoir cette faculté imaginaire évoquée dans le récit fantastique L'entonnoir de cuir de Arthur Conan Doyle : c’est-à-dire pouvoir rêver le vécu d’un objet comme s’il s’agissait d’un enregistrement. Et techniquement, une pièce usée a davantage de chance d’avoir servi qu’une pièce impeccable…

 

Mes pièces de monnaie antiques ne sont pas d’une qualité qui ferait l’envie d’un collectionneur, mais la plupart sont des curiosités dans ce sens qu’elles ont un petit quelque chose de particulier dans l’histoire de la numismatique.

 

Voici donc quelques-unes de mes pièces préférées, pas pour leur apparence, mais bien pour ce qu’elles évoquent. Ce sont toutes, à leur manière, des curiosités monétaires. 

 

Scyphates byzantins, la monnaie concave (début 1400)

 

Les monnaies scyphates sont des pièces de monnaie en forme de coupe concave, produites en grande quantité par les Byzantins au du XIIe siècle jusqu'au XIVe siècle. Divers métaux ont été utilisés pour ces monnaies très peu épaisses. Leur forme particulière n'a pas d'explication certaine : peut-être une meilleure résistance au pliage.

 

 


 

 

L'akçe ottoman : l’histoire d’un bel échec monétaire 

(avant 1566 selon le ratio volume/poids, dixit mon ami joaillier)

 

L'akçe, souvent appelé "aspre" en français, est une pièce d'argent qui fut l'une des unités monétaires de l'Empire ottoman à partir du XIVe siècle, avant de tomber en désuétude au début du XIX siècle.



Sa frappe est attestée à Bursa pour la première fois au cours du règne d'Orkhan. L'akçe pesait alors environ 1,15 g d'argent plus ou moins cuivré. Elle n'a pas de succès au Maghreb, où elle restera très rare, car peu pratique. Par la suite, on se mettra à abaisser la part d'argent pur contenu dans l’akçe et donc d'augmenter la part de cuivre. En 1566, une nouvelle dépréciation eut lieu, qui fut suivie par une dévalorisation progressive et irrémédiable de l'akçe qui ne contenait plus que 0,306 g d'argent en 1618. En 1688, l'akçe n'a plus que 0,21 g d'argent. C'est sous Mahmoud II (1808-1839) que la dernière pièce de 1 akçe est frappée, les dévaluations successives font que l'akçe ne contient alors plus que 0,01 g d'argent, si peu qu'elle est démonétisée.


 

Les cobs (parmi lesquels les pièces de huit) : les pièces des pirates (1606 - 1651)

Les macuquinas, également connus sous le nom de « cobs», étaient largement utilisés dans les transactions locales en Amérique, bien que leur mauvaise qualité ait suscité de nombreuses plaintes. La forme irrégulière de la macuquina invitait à l'écrêtage, entraînant un nombre toujours plus grand de pièces en dessous du poids légal. Les pièces coupées avaient tendance à migrer avec un petit profit dans le commerce vers les villes ayant besoin de pièces (souvent celles qui préparaient une flotte pour naviguer) où l'argent fort était accepté à sa valeur nominale ou presque.


Les cobs sont les "pièces des trésors" dont on entend parler dans les récits d'aventure. Frappés et taillés à la main du XVIe au XVIIIe siècle dans les ateliers monétaires espagnols du Mexique, du Pérou et de la Colombie (entre autres), les cobs  étaient généralement acceptés comme une bonne monnaie dans le monde entier. Celles portant un huit en chiffres romains (VIII) étaient les fameuses pièces que les pirates appelaient "pièces de huit".



Le duit VOC : la pièce de monnaie contrôlée par une compagnie privée (1786)

Le duit était une pièce de monnaie hollandaise en cuivre d'une valeur de 2 penning. En Indonésie néerlandaise, 4 pièces de duit équivalaient à un stuiver . Pour empêcher la contrebande, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC) a commandé des pièces spéciales portant leur monogramme en relief. Seules ces pièces étaient valables en Indonésie, ce qui rendait la Compagnie économiquement toute-puissante : même la noblesse ne pouvait faire de commerce dans les colonies indiennes avec la monnaie néerlandaise « normale ».


Le duit VOC est également appelé « penny de New York » en raison de son utilisation comme unité monétaire coloniale dans la Nouvelle-Amsterdam néerlandaise (eh oui, jadis New York était une colonie de Hollande).

 

 

 

 

 

samedi 1 janvier 2022

Et nous y sommes...

 



Et le pire, c'est que si le film mettant en vedette Charlton Heston n'est pas une prophétie pour 2022, il pourrait facilement en être la caricature...

BONNE ANNÉE 2022

entre pandémie et crash climatique, il nous reste quelques beaux moments d'insouciance, 
alors profitons-en !