vendredi 26 juin 2020

Mais qu’est-ce que tu vas faire d’un pichet à limonade !?


C’est ce que s’est exclamée Sonya en me voyant revenir de la Ressourcerie avec ça.




J’avais mon idée, bien sûr. C’est que, voyez-vous, j’avais un phasme à exposer et je voulais faire autre chose que bêtement le placer dans un cadre.



Alors, quand j’ai vu ce pichet, il m’a aussitôt évoqué mes autres pots à spécimens.



J’ai retiré le robinet…


…bouché le trou avec l’un des bâtons de mon montage…


Et voilà !





Les phasmes

Le nom de l’espèce dérive du grec phasma, désignant une apparition ou un fantôme. Les phasmes sont des champions du camouflage dont la forme caractéristique peut faire penser à une branche (surnommés « phasmes-bâtons »), à une feuille (surnommés « phasmes-feuilles »), à une tige épineuse (surnommés « phasmes-ronces ») ou encore à une écorce (surnommés « phasmes-écorce ») qui peut se mouvoir.



Un phasme-bâton


Un phasme-feuille morte


Un phasme-feuille verte


Un phasme-ronces


 Un phasme-écorce


Le phasme se nourrit de plantes diverses selon sa situation géographique. En élevage, il se nourrit régulièrement de ronces, de lierre, de chêne, de fougères, etc.

Les phasmes ont des ailes, qu’on voit rarement. Je n’ai pas eu le courage de m’essayer à les déployer.


La taille des espèces varie énormément.






Les phasmes ont de nombreux modes de reproduction : l’accouplement sexué classique, la parthénogénèse (les femelles pondent des œufs sans s’accoupler et ne portant que leur génome, ce sont donc des clones), l’androgenèse (l’œuf ne contient que le génome mâle et on obtient des mâles et des femelles) et l’hybridogenèse (mécanisme particulièrement complexe correspondant à des croisements naturels entre espèces proches).

Comme on peut le voir, le dimorphisme sexuel est souvent très prononcé chez les phasmes.



Au Québec, nous avons une espèce de phasme, mais celle-ci ne se trouve que sur le Mont-Royal et nulle part ailleurs. C’est d’ailleurs une histoire scientifique fort intéressante.


Notre phasme québécois

On ne voit aucune mention de phasmes au Québec avant 1921. Le premier spécimen capturé le fut dans le cimetière Mont-Royal. Dans ce cimetière protestant reposent essentiellement des défunts anglophones, dont plusieurs familles ontariennes et américaines.



C’est ainsi qu’on suppose que les phasmes, qui aiment pondre dans les rosiers, furent introduits dans le cimetière : une (ou des) rose(s) ramenée(s) du sud ont dû être utilisées pour fleurir une tombe, permettant à une couvée de phasme-brindilles d’éclore sur le Mont-Royal.




Ce qui est spécialement intéressant, c’est que les phasmes n’ont pas pu quitter le Mont-Royal, car celui-ci est cerné par la ville. Nos amis en forme de bâtonnet ne quittent généralement pas la sécurité des habitats où ils se camouflent. On peut donc considérer que nos phasmes peuplent une sorte « d’île »,



S’est alors engendré, pendant tout un siècle, ce qu’on appelle une « spéciation », c’est-à-dire qu’une espèce se divise en deux.







Notre phasme préfère l’androgenèse (reproduction solitaire, mâle et femelles issus d’un même génome). Comme tous nos phasmes provenaient probablement de la même couvée, nos phasmes sont ainsi génétiquement statiques, c’est-à-dire que le brassage des gènes est totalement nul.   

De son côté, le phasme commun qu’on retrouve plus au sud, poursuit sa reproduction sexuée avec des partenaires issus d’autres couvées que la sienne et poursuit son lent chemin évolutif.

Dans quelques siècles, nous risquons de voir deux sous-espèces différentes.


jeudi 18 juin 2020

10% d’un porc-épic


Le porc-épic est l’un de mes animaux favoris. Peu de gens savent à quel point c’est un animal intelligent et affectueux. 



Sa main, aussi habile que celle du raton-laveur, lui permet des manipulations aussi complexes, comme défaire des nœuds.


Toutefois, le porc-épic approche peu les maisons, étant peu attiré par nos ordures. Il est toutefois friand des blocs de sel des chasseurs, des pommiers, de maïs et des bois parfumés, ce qui peut parfois le pousser à s’inviter, mais il évitera les humains s'il le peut.


Enfin le réseau Fox interroge un invité plus intelligent que d'habitude... 


Réciproquement, les humains aussi préfèrent se tenir loin de lui, et avec raison.


L’an dernier, ma conjointe et moi sommes tombés sur une dépouille partielle de porc-épic dont il ne restait plus grand-chose. L’essentiel des os étaient éparpillés et toute la chair avait été mangée (d’ailleurs, saviez-vous que la viande de porc-épic peut être mangée crue sans danger ?). Il ne restait aucun organe, pas d’odeur — bref, c’était plutôt propre, alors après l’avoir arrosée de solution Dakin, j’ai ramassé ce qui pouvait s’avérer encore intéressant.

D’abord les piquants — du moins, les quelques-uns qui restaient. Comme j’en ai déjà parlé, les piquants de porc-épic sont constitués de kératine comme nos cheveux.


Beaucoup moins gros que ceux du porc-épic de Malaisie...
  


Ensuite, il y avait de gros morceaux du crâne. Je doutais d’être capable de le reconstruire, considérant les miettes d’os qui jonchaient le sol (de toute évidence, un charognard avait brisé le crâne pour manger la cervelle). Néanmoins, la mâchoire inférieure était en bon état, ce qui constituait en soi une belle curiosité.

Ce fut difficile, mais je suis parvenu à rassembler les morceaux en un tout cohérent. Je pourrais combler les trous avec du plâtre de Paris, mais je crois que je l’aime bien comme il est.



On ne se cachera pas que son profil droit est plus beau que son profil gauche, mais il me manquait des morceaux...



De plus, je n’ai pas collé les incisives, ce qui permet de les retirer pour en considérer la longueur.



Finalement, une patte avant était presque intacte. Il n’y avait que l’omoplate qui était endommagée. Ce projet-là, c’est ma Sonya qui s’en est occupé et le résultat fut à couper le souffle.




Je me suis occupé de fabriquer le présentoir : un tube de verre à lampion et deux sous-verres en bois.



Le porc-épic passe l'essentiel de son temps dans les arbres, où il est difficile à atteindre par les prédateurs. Griffes acérées, dents gigantesques, corps couvert de piquants : comme si ce n'était pas assez, le porc-épic peut repousser ses ennemis émettant une odeur acre issue d'une glande sous-caudale.


Semblerait que seul le carcajou soit assez déterminé pour s'attaquer à lui... 


lundi 15 juin 2020

Présentoir vitré hyper facile à faire


Ça me fait toujours rire quand des gens disent que je suis habile de mes mains ou que j’ai du talent en menuiserie, moi qui a toujours été le maladroit de service !

Néanmoins, j’ai réalisé il y a trois ans que je pouvais fabriquer de beaux objets tant que je sais mesurer (j’suis pas plus idiot qu’un autre) et que le processus ne comporte aucune incertitude.

Trace la ligne, coupe sur la ligne : c’est bien assez pour moi ! En fait, je dois mon "talent" à ma compréhension de la géométrie de 5e année primaire. 

Alors voici : je vous propose aujourd’hui un petit tutoriel pour fabriquer un présentoir vitré en peu de temps, à peu de frais, avec des outils très simples et de manière impossible à rater. Le genre de projet parfait pour moi, et qui est accessible aux enfants, même sans surveillance.

D’abord, choisissez dans votre demeure la surface du meuble qui vous servira de présentoir. Ça peut être une table de chevet, une table de salon, une tablette de bibliothèque, etc. Le mieux de tout, c’est que vous n’aurez pas à modifier le meuble, donc il pourra retrouver son aspect d’origine en deux minutes.  


Moi, j’ai choisi le petit meuble central de mon bureau.

Outils :

Une égoïne (la mienne a coûté 8$ chez WalMart), 
une boîte à onglet (4$), 
de la colle Lepage, 
un ruban à mesurer, 
un tournevis, 
papier sablé n'importe quel numéro
un crayon 



vous, ou l’un de vos proches, possèdez assurément cela.



Matériaux :


- Un 2x2 de pin (5$)


- Une lamelle 2x ¼ de pin (2$) (ou une moulure, voir à la fin du billet)


- Un vieux cadre (le mien fut trouvé là où personne n’en voulait… d’ailleurs c’est le bon temps, les gens déménagent, vous trouverez un lot de cadres aux ordures ; sinon, optez pour les boutiques de seconde main).



Procédure :

Dévissez le cadre et retirez la vitre.


Mesurez la vitre.


Dans votre 2x2, tracez des lignes pour les quatre côtés en augmentant la dimension d’un pouce (dans mon cas, les côtés courts de la vitre faisaient 18 pouces et les grands, 34 pouces ; donc les traits sur le 2x2 ont été faits deux fois à 19 pouces et deux fois à 35 pouces : vos morceaux de bois sont donc 1 pouce plus grand que le côté de la vitre auquel il correspond).   


Voilà, le plus difficile est fait !

Avec la boîte à onglets, coupez vos morceaux pour faire des angles de 45 degrés. Afin d’être certains que les morceaux du 2x2 et les morceaux du 2x ¼ seront identiques, placez-les l’un sur l’autre.




Sablez légèrement les traces de coupe.


Si le cœur vous en dit, vous pouvez teindre (6$ la petite canne de teinture, je suggère Saman car elle se nettoie bien et le vernis est intégré — un pinceau-mousse empêchera les coulisses et les traces de coups).



Avec de la colle Lepage, collez les morceaux de 2x2 en un cadre et laissez sécher 6 heures.



Placez de la colle sur les coins, posez la vitre, laissez sécher une nuit.



Placez un trait de colle sous vos lamelles de 2x¼  et posez-les en cadre par-dessus la vitre. Attendez 6h.



 Placez vos curiosités sur votre meuble, posez le couvercle et voilà !




Variantes (plus dispendieuses)
Pour des curiosités de plus grandes dimensions, prenez un 2x4 ou un 2x6 à la place du 2x2.
Pour un résultat plus élégant, remplacez la lamelle de 2" par une moulure de 2".



samedi 13 juin 2020

Un peu de théorie (2) : collectionneur ou cabinetier ?

Je n'ai pas la prétention d'être un collectionneur. En fait, collectionner et monter un cabinet sont deux activités très différentes.

Un cabinetier est un généraliste alors un collectionneur est un spécialiste. Les collectionneurs ont un nom lié à leur spécialité (pour ne nommer que ceux là : le numismate pour la monnaie, le conchyophile pour les coquillages, le lépidoptérophile collectionne les papillons, le minéralophile collectionne les minéraux, etc).

Je vais tenter, par quelques images parlantes, de faire la distinction.



1. 

Comme dit plus haut, le collectionneur est un spécialiste.


Le cabinetier veut "un peu de tout".



2.

Pour un collectionneur, chaque variante compte.



Ce n'est pas aussi important pour un cabinetier, qui favorise la diversité esthétique à la diversité scientifique.




3.

Un collectionneur a tendance à classer ses spécimens.



...alors que le cabinetier recherche une sorte de "chaos organisé", si vous me passez l'oxymore.




4.

Bien qu'il puisse présenter sa collection de manière fort esthétique, un collectionneur n'a pas tendance à mélanger ses spécimens à d'autres champs d'intérêt...


...alors que c'est précisément ce que recherche le cabinetier.



5.

Et alors que la collection est davantage un outil de référence...




...le cabinet se veut un vecteur d'émerveillement.


Finalement, un cabinet peut contenir une (plus souvent des) collection(s), mais une collection ne contient généralement pas de cabinet, ou alors celui-ci sera lié de très près au thème de ladite collection.