C’est ce que s’est exclamée Sonya en me voyant revenir de la
Ressourcerie avec ça.
J’avais mon idée, bien sûr. C’est que, voyez-vous, j’avais
un phasme à exposer et je voulais faire autre chose que bêtement le placer dans
un cadre.
Alors, quand j’ai vu ce pichet, il m’a aussitôt évoqué mes
autres pots à spécimens.
J’ai retiré le robinet…
…bouché le trou avec l’un des bâtons de mon montage…
Et voilà !
Les phasmes
Le nom de l’espèce dérive du grec phasma, désignant
une apparition ou un fantôme. Les phasmes sont des champions du camouflage dont
la forme caractéristique peut faire penser à une branche (surnommés «
phasmes-bâtons »), à une feuille (surnommés « phasmes-feuilles »), à une tige
épineuse (surnommés « phasmes-ronces ») ou encore à une écorce (surnommés «
phasmes-écorce ») qui peut se mouvoir.
Un phasme-bâton
Un phasme-feuille morte
Un phasme-feuille verte
Un phasme-ronces
Le phasme se nourrit de plantes diverses selon sa situation
géographique. En élevage, il se nourrit régulièrement de ronces, de lierre, de
chêne, de fougères, etc.
Les phasmes ont des ailes, qu’on voit rarement. Je n’ai pas
eu le courage de m’essayer à les déployer.
La taille des espèces varie énormément.
Les phasmes ont de nombreux modes de reproduction : l’accouplement
sexué classique, la parthénogénèse (les femelles pondent des œufs sans s’accoupler
et ne portant que leur génome, ce sont donc des clones), l’androgenèse (l’œuf
ne contient que le génome mâle et on obtient des mâles et des femelles) et
l’hybridogenèse (mécanisme particulièrement complexe correspondant à des
croisements naturels entre espèces proches).
Comme on peut le voir, le dimorphisme sexuel est souvent
très prononcé chez les phasmes.
Au Québec, nous avons une espèce de phasme, mais celle-ci ne
se trouve que sur le Mont-Royal et nulle part ailleurs. C’est d’ailleurs une
histoire scientifique fort intéressante.
Notre phasme québécois
On ne voit aucune mention de phasmes au Québec avant 1921. Le
premier spécimen capturé le fut dans le cimetière Mont-Royal. Dans ce cimetière
protestant reposent essentiellement des défunts anglophones, dont plusieurs
familles ontariennes et américaines.
C’est ainsi qu’on suppose que les phasmes, qui aiment pondre dans les rosiers, furent introduits dans le cimetière : une (ou des) rose(s) ramenée(s) du sud ont dû être utilisées pour fleurir une tombe, permettant à une couvée de phasme-brindilles d’éclore sur le Mont-Royal.
Ce qui est spécialement intéressant, c’est que les phasmes n’ont pas pu quitter le Mont-Royal, car celui-ci est cerné par la ville. Nos amis en forme de bâtonnet ne quittent généralement pas la sécurité des habitats où ils se camouflent. On peut donc considérer que nos phasmes peuplent une sorte « d’île »,
S’est alors engendré, pendant tout un siècle, ce qu’on appelle une « spéciation », c’est-à-dire qu’une espèce se divise en deux.
Notre phasme préfère l’androgenèse (reproduction solitaire, mâle
et femelles issus d’un même génome). Comme tous nos phasmes provenaient
probablement de la même couvée, nos phasmes sont ainsi génétiquement statiques,
c’est-à-dire que le brassage des gènes est totalement nul.
De son côté, le phasme commun qu’on retrouve plus au sud,
poursuit sa reproduction sexuée avec des partenaires issus d’autres couvées que
la sienne et poursuit son lent chemin évolutif.
Dans quelques siècles, nous risquons de voir deux
sous-espèces différentes.
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