J’ai déjà parlé de mon scarabée Atlas auparavant ; pour ceux qui s’intéressent peu à la mythologie, sachez qu’il tient leur nom du titan Atlas, un géant qui portait le poids du monde sur ses épaules.
Deux autres scarabées portant des noms de colosses étaient sur ma liste de curiosités à acquérir : le Goliath et le Hercule. Pour ce qui est du Hercule, je ne le possède pas encore, malheureusement…
…mais j’ai toutefois un Goliath dont je suis plutôt fier.
Ces trois scarabées forment une sorte de triptyque entomologique classique. On peut d’ailleurs les voir ci-dessous, illustrés ensemble (le goliath sur l'image est d'une sous-espèce différente du miens, j'en parle plus loin).
Découverte du Goliath
Le tout premier spécimen de Goliath observé par un naturaliste occidental fut trouvé vivant, flottant dans l'estuaire du Gabon par le capitaine d'un navire marchand. Comme j’en ai déjà parlé dans les billets traitant de Basilius Besner ou d’Albertus Seba, la plupart des cabinetiers écumaient les ports à la recherche de spécimens intéressants ramenés par les marins. Certains humbles matelots parvinrent ainsi à augmenter leurs revenus de façon importante et certains devinrent même des chasseurs de curiosités réputés.
Ce fut le cas de notre capitaine qui, constatant que le goliath était énorme, décida de l'amener en Europe en 1766. Il fut d’abord acheté par David Ogilvie, chirurgien de marine, puis par William Hunter, un célèbre naturaliste anglais. Ce Goliath se trouve toujours dans la collection Hunter, aujourd'hui conservée à l'université de Glasgow.
Cinq ans plus tard, l'entomologiste amateur Drury publiera une image du Goliath dans son Illustrations of Natural History et le baptisera selon son propre nom (Goliathus druryi)… sans citer William Hunter, ce qui occasionna une querelle avec ce dernier.
Il se trouve que Hunter avait prêté son spécimen à un certain Da Costa pour que celui-ci le fasse illustrer. Toutefois Da Costa fut emprisonné pour détournement de fonds et dû vendre ses illustrations. Drury les acheta légalement et décida, comme personne n’avait décrit le spécimen auparavant, de lui donner son nom.
Bref, la chicane était pognée.
Dès son arrivée en Europe, le Goliath suscita l’intérêt des collectionneurs d'insectes. Or, William Hunter était le seul possesseur de Goliath. Drury s'efforça à son tour d'obtenir un exemplaire mais malheureusement, personne ne savait où vivait l'espèce précisément.
Drury financera alors une expédition menée par Henry Smeathman au Sierra Leone (en 1775). L’équipe d’explorateurs ne parviendront pas à ramener un Goliath identique, mais ils en trouveront un similaire : le Goliath Regius.
Goliathus goliathus, (celui de Hunter)
Goliathus Regius, (celui de Drury)
Du coup, Hunter avait « son » Goliath, Drury avait aussi le « sien », tout le monde est content, chacun sa bébitte, la chicane était finie… de vrais enfants.
Les sous-espèces de Goliath
On sait aujourd’hui qu’il existe possiblement six (mais plus probablement cinq) sous-espèces de Goliath. Chacun a ses petites particularités et sa propre aire de distribution.
Le Goliathus goliatus, c’est-à-dire le Goliath de Hunter, est répandu dans toute l'Afrique. C'est le seul Goliath avec une coloration rougeâtre, ce qui les rend faciles à repérer dans la nature, et ils sont populaires auprès des collectionneurs et des éleveurs du monde entier. Ce sont les plus fréquents.
Le Goliathus regius, ou celui « de Drury », est le plus grand de tous. Il peut atteindre 3 à 4 pouces de longueur, soit la taille d'une main humaine. Il se présente dans des tons de noir et de blanc.
C’est aussi le cas du Goliathus albosignatus qui porte des motifs caractéristiques sur le dos et l'abdomen. On surnomme ces dessins des « os » ou, en anglais, des « starbursts ».
Goliathus orientalis a une distribution limitée par rapport aux autres Goliath, ce qui le rend plus difficiles à attraper et peut-être le plus rare des Goliath...
…pour le savoir, il faudrait déterminer si Goliathus atlas est une espèce à part entière. C’est une forme très rare de Goliath - seuls quelques spécimens ont été collectés. La plupart des entomologistes croient qu’il ne s’agit pas réellement d’une espèce, mais d’un hybride résultant d'un croisement entre G. regius et G. cacicus.
Le dernier d’entre eux, Goliathus cacicus, se distingue par sa carapace plus colorée. Alors que les autres Goliath sont limités aux nuances de rougeâtre, de noir et de blanc, Goliathus cacicus présente des teintes de jaune, ambre et orange.
Le Goliath dans la nature
Dans la nature, les Goliath se nourrissent principalement de fruits. S’ils ne sont pas dangereux pour les humains, ils peuvent être assez agressifs entre eux. Dans la nature, les mâles se battent pour la nourriture et les partenaires ; peuvent devenir extrêmement territoriaux si un autre coléoptère commence à pénétrer dans leur domaine.
Comme la plupart des espèces de coléoptères, les Goliath ont une vie courte. Ils meurent environ 3 à 6 mois après avoir atteint leur forme adulte.
De façon assez surprenante pour un insecte aussi gros, les Goliath sont très habiles en vol. Leurs ailes battent furieusement vite, faisant un boucan d’enfer lorsqu’ils volent : on compare cela au bruit d’un marteau-piqueur.
Rareté
Les Goliaths, quelle que soit l'espèce, restèrent longtemps très difficile à obtenir et d'autant plus recherchés. En 1813 on n'en trouvait que trois ou quatre dans les collections européennes, un demi-siècle après l'arrivée du spécimen de Hunter. L’élevage du Goliath reste cependant difficile, le taux d'échec est élevé et les adultes sont souvent plus petits que dans la nature.
C’est d’ailleurs ce qui le rend sa valeur si élevée auprès des revendeurs de spécimens.
Les prix sont en dollars américains.
Mon Goliath
Je le dis tout de suite, je n’ai pas dépensé une telle fortune pour mon Goliath.
Il m’arrive de vendre des spécimens à des boutiques ; principalement des minéraux ou des fossiles, mais aussi des antiquités qui ne m’intéressent pas (les deux boutiques où je vends n’achètent leurs spécimens animaliers qu’auprès d’éleveurs certifiés pour ne pas nuire aux écosystèmes).
Il y a quelque chose de très « Indiana Jones » à se pointer dans une boutique avec une mallette, être reconnu par le propriétaire et invité dans l’arrière-boutique pour y déballer les trouvailles qu’on a fait lors d’une expédition en plein-air…
Bref, vous l’aurez compris, j’ai obtenu mon Goliathus en échange de certaines de mes propres trouvailles.
Il s’agit d’un Goliathus Orientalis, un spécimen de belle taille (9 cm) que j’ai négocié avec un aplomb dont je suis resté plutôt fier : je savais que voulais un Goliathus, je savais que le boutiquier en avait quelques-uns, je connaissais la valeur des spécimens que j’avais à échanger et après une longue discussion, le monsieur a accepté de me payer avec un Goliathus, mais pas avec l’unique Regius dont il disposait. Il a contre-offert un Goliathus goliathus, sauf que j’étais davantage séduit par les motifs noirs et blancs de l’Orientalis… et finalement, il a accepté !
Mon Goliathus Orientalis méritait son propre dôme, provenant du Ikea mais acheté de seconde main à la Ressourcerie. La base de bois est un chandelier géant acheté chez Michael’s dans le panier à liquidations. Le morceau de bois flotté fut trouvé sur la berge du St-Laurent.
J’ai hésité très longuement à savoir si je déployais ou non ses ailes… et je l’avoue humblement, j’ai choké comme on dit en bon français, le risque d’abimer mon spécimen m’a effrayé et je n’ai fait que l’humidifier pour en déployer les pattes (toujours faciles à recoller en cas de bris).
Peut-être qu’un jour, j’oserai m’armer de courage, rouvrir le dôme et écarter les élytres… mais pas pour l’instant.
Poids
Une dernière petite note pour le poids : c’est vraiment un insecte lourd, bien davantage que mon Atlas qui est pourtant d’une taille comparable. Tenir en main un Goliath est une expérience particulière : on dirait qu’il est trop lourd pour sa taille. Vous souvenez-vous des Tonka en métal, ceux de petite taille ?
Et bien, c’est le même poids.
Étonnant, non ?