mercredi 29 avril 2020

Pour se lancer dans de grandes explorations en restant chez soi...


Beaucoup de gens se mettent à la lecture par les temps qui courent et c’est le moment de suggérer quelques livres. Voici donc un coup de cœur pour chaque catégorie d’âges sous le thème des explorations naturalistes. Vous trouverez certains titres dont j’ai déjà parlé auparavant (forcément, ce sont mes coups de cœur !).


Préscolaire

Vingt mille lieues sous les mers de J. Verne, adapté en album par F. Boulanger.

 

Sceptique au début, j’ai été stupéfait : c’est même l’album préféré de ma fille de deux ans ! Bien illustré et agréable à lire, Boulanger est parvenu à limiter l’essentiel de l’histoire à quelques paragraphes (et grâce à des illustrations très parlantes).



À partir de 7 ans

Les derniers géants de F. Place



Un coup de cœur d’enfance, j’en ai beaucoup parlé. Une histoire où la finale coup-de-poing prend encore davantage de sens en cette période particulière.


À partir de 9 ans

Le monde perdu, A.C. Doyle


Une expédition fantastique au cœur de la jungle, là où survivent les créatures de jadis.


À partir de 11 ans

Les îles du Ciel, Daniel Sernine


Une des plus époustouflantes expéditions naturalistes vers un monde complètement sublime. L’un de mes auteurs fétiches d’enfance.


À partir de 13 ans

Voyage au centre de la Terre, de J. Verne


Dois-je encore le présenter ?!


À partir de 15 ans

Darwinia, de R. C. Wilson


Au XIXe siècle, l’Europe disparait soudainement pour être remplacée par un nouveau continent qu’on nommera Darwinia. Une faune et une flore totalement stupéfiante attend de révéler ses secrets aux explorateurs.


Adultes

La saga de Tyranaël, de E. Vonarburg




Un grand chef-d’œuvre, une lecture comparable à aucune autre. La colonisation d’une nouvelle planète par l’humanité, là où jadis vivait une espèce très semblable à la nôtre ayant mystérieusement disparu. Vous n'aurez jamais lu quelque chose qui ressemble à cela, jamais.


mercredi 22 avril 2020

On dirait que ça devient tendance...


En général, je ne fais pas de promo pour des commerces. Les quelques fois où j’ai parlé d’un site de vente en ligne, c’était davantage pour y puiser des idées que pour y acheter la coûteuse marchandise qu’on y vendait.

Seulement voilà, on a porté à mon attention que les magasins IKEA offrent cette année une petite collection de décoration « style cabinet » et il y a moyen d’y dénicher quelques trucs difficiles à trouver ailleurs. 



C’est le cas du BEGÅVNING, un dôme de verre avec socle. Je ne possède qu’un seul dôme du genre, trouvé dans un Village des Valeurs, et certaines pièces de mon cabinet y figureraient bien. Le dôme est offert en deux formats.



De son côté, le MORGONTIDIG est une cloche de verre comme j’en emploi déjà. Celles-ci sont plus faciles à trouver à faible coût : une vieille cloche à fromage ou la fameuse chandelle du Dollarama peuvent faire l’affaire.





Toutefois, la pièce du IKEA a l’avantage d’être de plus grande taille (et est plus abordable que le dôme "Begavning" précité).


Finalement, le BOMARKEN est un coffret de verre très intéressant. Il est un peu coûteux et quand la neige aura fondu, je pourrais sortir mes outils et m’en fabriquer un pour le quart du prix (j’expliquerai comment). Mais pour les impatients ou ceux qui ne désirent pas se donner le trouble, il s’agit d’une option intéressante.



Néanmoins, je persiste et je signe, je préfère fouiner pour trouver du seconde main et je compte toujours prioriser cette méthode. Mais parfois, quand on ne trouve pas ce qu’on cherche, il faut bien se résigner (et bon, j'ai quand même beaucoup parlé des Dollarama).…



dimanche 19 avril 2020

Micro-cabinet en bouteilles




C’est un « pack de départ » que j’ai démarré pour une grande amie et son fils. Elle ne voulait pas d’un cabinet aussi vaste que le mien et cherchait quelque chose de plus uniforme, plus « déco ».

Je me suis dis que ça pourrait plaire à certains aspirants cabinetiers qui disposent de peu d’espace.

L’idée est de tout faire entrer sur une tablette. Un petit présentoir vitré peut faire l’affaire, mais il doit pouvoir s’agencer avec la décoration ambiante et il reste que ce sont des armoires pouvant coûter cher. J’aime beaucoup l’idée de C***, 12 ans, qui a récupéré un meuble stéréo mais c’était encore trop gros pour mon amie qui désirait quelque chose de délicat.

Puis je me suis souvenu des œuvres d’art d’Emma Lazauski, surtout sa série du « Cabinet Fantastique » que je trouve magnifique (quoique son univers mycologique est tout aussi merveilleux).




Alors voilà le concept : les pots de verre se vendent tout au plus 1$ chacun, souvent moins. C’est pourquoi, avec quelques spécimens en double, j’ai conçu ceci :



Vous aurez reconnu l’ocelle de paon du dernier billet :



Mon amie a également craqué ma cloche à papillons, mais c’est un gros boulot. Je crois qu’il faudra qu’elle s’équipe d’un filet, parce que je le garde !  



Je compte lui envoyer un spécimen de temps en temps, chaque fois dans un pot différent, afin d’entretenir l’intérêt de son fils pour les curiosités naturelles… lequel s’est d’ailleurs réjoui de ce « kit du débutant »… Quand à la maman, elle est ravie de l’effet esthétique.

Mission doublement accomplie !


Pour ceux que ça intéresserait, voici quelques autres de mes spécimens que j'ai déjà présentés et qui rejoignent cette esthétique (mais je les garde pour moi, ceux-là !)













mercredi 8 avril 2020

Jenny Haniver et autres faux monstres marins


Je persiste et je signe, un cabinet se doit d’avoir des canulars. Non seulement cela évoque l’essence même du cabinet (post-)Renaissance, mais également il s’agit, dans un but éducatif, d’un éveil extraordinaire du sens critique, de la recherche de sources fiables et de la remise en doute des informations douteuses en se basant sur des faits scientifiques.

L’histoire des canulars naturalistes est longue et j’y reviendrai de temps en temps. Pour le moment, je vais me pencher sur quelques monstres marins.

Il faut garder en tête que jusqu’à Carl von Linné dans les années 1750 (et encore là…), la plupart des traités de sciences naturelles évoquaient pèle-mêle les animaux réels et les animaux légendaires.

La tendance ne s’est jamais éteinte : il suffit de regarder sur le web les montages Photoshop montrant des « monstres marins » ou des « sasquatch » pour comprendre que pour l’humain, Dame Nature ne se départira jamais de ses mystères et que ceux-ci nous fascinent.

Le champion de ces canulars fut probablement l’homme de spectacle P.T. Barnum qui, dans la vraie vie, n’avait pas grand-chose en commun avec le doux romantique incarné par Hugh Jackman dans The Greatest Showman.





Champion du canular et du mensonge, fraudeur invétéré, il tenait un immense cabinet de curiosités et cherchaient à montrer aux gens les « monstres » humains ou les créatures légendaires.



Son canular le plus connu est la sirène des îles Fidji, une taxidermie élaborée à partir d’un singe et d’un poisson.



Sirène des îles Fidji



Gravure de la sirène dans une publication scientifique



Vue d’artiste de ce à quoi aurait ressemblé la créature

Plus impressionnant mais moins connu, le terrible serpent de mer de Barnum, élaboré en combinant  les vertèbres de trois baleines, en retirant les nageoires et en coiffant le tout d’un crâne de crocodile du Nil.




Mais ce genre de montage remonte bien avant cela.


Dès le Moyen-Âge, on parlait de l’Évêque de Mer, une créature qui aurait gouverné les poissons.


Mentionné pour la première fois par Cornelius Aurelius, il est décrit comme un monstre merveilleux, un poisson en tous points comme un homme, comprenant le langage des hommes sans le parler, portant les attributs d'un évêque et notamment la mitre et une chasuble susceptible d'être soulevé jusqu'au-dessus des genoux

On dit qu’un de ces monstres fut présenté au roi de Pologne en 1431 avant d'être à sa demande muette rendu aux flots pour ne jamais reparaître.

Ce monstre étrange sera ensuite cité plusieurs naturalistes du XVIe siècle tels que Rondelet, Belon, Coenen ou Gesner, puis par, Aldrovandi, Ambroise Paré, Henri de Sponde, le père Fournier, les pères de Trévoux et l'archevêque Carlo Labia.




Vue d’artiste de ce à quoi aurait ressemblé la créature

Dans un article de la revue américaine Folklore intitulé The origin of the sea bishop, d'après Karl Shuker, les auteurs suggèrent que l'évêque marin pourrait être une création humaine réalisée à partir de raies modifiées manuellement puis séchées : une Jenny Haniver, telle que celle exposée au musée de Whitby. C'est également la thèse soutenue par l'Académie des sciences en 1829.



Jenny Haniver

Le nom « Jenny Haniver » est une déformation de « génie d’Anvers », une ville portuaire belge où les marins fabriquaient ces canulars. Il s’agit de raies taillées et séchées dans le but d’en faire de petits diablotins marins que les nobles achetaient à fort prix.





Raie utilisée pour fabriquer les Jenny Haniver




Jenny Haniver empaillée



Vue d’artiste de ce à quoi aurait ressemblé la créature


Il existait trois types majeurs de Jenny Haniver :


La « tête en pointe », qu’on pourrait considérer comme la « descendante » de l’évêque de mer.



La « draconique », supposée s’attaquer aux navires






Jenny Haniver « draconique » dans un ouvrage de sciences naturelles


La « couronnée » ou « noble », la plus rare de toutes.





Ma propre Jenny Haniver

Car oui, j’en possède bien une ! Et la plus rares de toutes les versions : une Jenny Haniver Noble — mais son squelette plutôt qu’un corps séché !

Car voyez-vous, les raies sont des poissons cartilagineux : elles n’ont pas d’os. Pourtant, certains cabinets possédaient des squelettes de Jenny Haniver — c’était la Jenny la plus convoitée, qui faisait l’envie de tous les cabinetiers car elle était la « preuve » que la créature était « vraie » : après tout, on ne peut tirer d’os d’une vulgaire raie.


Très peu de ces squelettes ont survécu jusqu’à nos jours mais certains catalogues de cabinets — comme celui de Rudolph II de Habsbourg — en font mention.

C’est en feuilletant Carl von Linné que j’ai vu la procédure pour obtenir un squelette de Jenny Haniver. Malheureusement, la description est très sommaire, juste assez pour savoir que les os proviennent d’un silure et que le centre du corps du squelette de Jenny est en fait la vertèbre atlas du poisson.


Atlas de silure

Bon, ça peut sembler petit, mais les silures peuvent atteindre des tailles impressionnantes.



C’est le plus grand des poissons d’eau douce


J’ai trouvé les détails de la construction dans un vieil article de journal numérisé par une bibliothèque universitaire où un journaliste, ayant bien peu de respect pour P.T. Barnum, avait visité son cabinet accompagné d’un pêcheur d’expérience.

Essentiellement, le squelette de Jenny Haniver se fabrique avec les os du crâne du silure. J’ai trouvé un petit crâne fracassé sur le bord du fleuve l’an dernier et j’en ai ramassé les morceaux, espérant pouvoir le remonter. Il manquait des parties pour réaliser ce projet, mais tout y était pour fabriquer une Jenny Haniver.

J'avais déjà le "dragonfly bone" (j'ignore le terme français) pour faire une Jenny Haniver draconique, sauf qu'on prenait dans ces cas-là des crânes de très gros silures... parce que dans mon cas...



bah oui, il me reste quelques cennes noires... 




Quoique... si les Jenny Haniver sont des poissons, ça veut dire qu'elles existent probablement sous forme d'alevin... à réfléchir... mais passons...


Ça reste un bel objet... 


Heureusement, toutes les parties citées par Linné et par le vieux pêcheur lors de sa visite au musée Barnum étaient présentes dans ma collecte.





Il s’agit d’un boulot assez complexe : du moins, plus que je m’y attendais. En fait, il faut placer des os qui ne sont pas supposés aller ensemble de façon à ce qu’ils aient l’air à leur place. 





Tout est une question d’angle, de doigté et de sens de l’observation.



Y'a comme un air de famille, non ?


J’en ai eu pour la journée, mais je suis plutôt fier du résultat.




Temps investi : une journée
Montant investi : dôme de verre du Village des Valeurs, 4$
                             base en bois du Michael's, 1$