dimanche 22 novembre 2020

Il a traversé des années-lumière pour aboutir dans mon cabinet…

 

Voici une curiosité que j’affectionne particulière : il s’agit d’un éclat de la météorite de Gibeon, en Namibie.

 




Cette parcelle est très petite, mais je crois que la photo permet de discerner les structures de Thomson. Juste au cas, voici un autre exemple de ces structures, cette fois sur une photo prise sur le web.



 


Les structures de Thomson apparaissent quand une recristallisation se produisant dans l'acier au-dessus de 1 000 °C. Ces formes géométriques sont connues pour être une des caractéristiques des météorites de fer.



 

 

Le champ d'éparpillement des fragments de la météorite de Gibeon recouvre une zone elliptique de 275 km de long sur 100 km de large. Les fragments de la météorite sont connus depuis plusieurs siècles par les Namaquas, peuple de pasteurs d'Afrique australe.

 

Des siècles avant l’Age du Fer, les peuples de Namibie utilisaient le fer météoritique, très pur, pour fabriquer des couteaux, des pointes de flèches et de lances et d'autres outils. Ils purent ainsi s’imposer dans leur région grâce à cet armement supérieur. Pragmatiques, ils troquaient  à un prix exorbitant certains objets de fer déjà forgés et ne pouvant servir d’arme, se gardant bien de révéler la provenance de cette matière stupéfiante.  

 

En 1836, le capitaine britannique J. E. Alexander en recueille quelques échantillons et les expédie à Londres. John Herschel les analyse et confirme leur origine météoritique.

 

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Cela n’est pas sans rappeler « Le Monde du Fleuve » de P.J. Farmer, un classique de la SF. Il est très difficile d’en aborder l’intrigue sans divulgâcher, mais dans ce monde, le métal est totalement absent… jusqu’à ce qu’une météorite ne s’écrase et y apporte le fer, engendrant une réelle révolution.


J’ai également mentionné d’autres moments où le fer météoritique a influencé l’Histoire ici :

https://excentriqueunivers.blogspot.com/2019/10/artificialia-de-lart-de-sentretuer.html

 

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Mais pour en revenir à ma parcelle de météorite à moi… J’éprouve une sensation très spéciale en tenant cet objet dans mes mains. 


Quelque part aux confins de l’espace, il y a des millions d’années, une pierre s’est mise à voyager… qui sait combien de systèmes solaires elle a traversé ? Et pendant combien de temps ? 




Puis, sur les millions de corps en mouvement qu’elle a pu croiser, les Lois de la Physique ont voulu qu’elle aboutisse sur notre petite planète. 



En s’écrasant, elle a modelé le destin des peuples de l’Afrique australe.




C’est fou, non ?

Une pierre se met en mouvement des millénaires auparavant. Le jeu mathématique des forces en a décidé ainsi. Dans cette grande horlogerie céleste, le destin privilégié des peuples antiques de la Namibie s’est écrit avant même que l’être humain n’existe.

Puis voilà que ce petit éclat, sur les dizaines de milliers d'éclats qui se sont éparpillés, a été trouvé, puis a abouti entre mes doigts... 



...mais sa route à travers le temps se poursuivra longtemps après que mes os ne soient réduits en poussières. Je ne suis, pour ainsi dire, que son compagnon de voyage pour la durée d’un battement de cil.

 

C’est un drôle de sentiment. On se sent à la fois insignifiant et tellement privilégié.

 

 

 

 

 

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