J’ai récemment conclu un échange avec un collectionneur qui me laisse perplexe (l’échange, pas le collectionneur).
Dans un premier temps, les échanges entre collectionneurs et cabinetiers sont toujours un peu délicats : les collectionneurs sont très spécialisés, recherchent la moindre variante de chaque élément et ont un champ plutôt restreint. Les cabinetiers, je l’ai déjà expliqué, ramassent un peu de tout.
Quand on est approché par un collectionneur, il faut se préparer au fait qu’il en sait probablement plus long que nous sur son domaine de spécialité. Il faut donc aborder l’échange dans le bon état d’esprit. Inutile d’essayer de « gagner » ou d’avoir « le meilleur échange » ; il faut généralement un autre collectionneur pour lui tenir tête à ce jeu. La bonne approche pour un cabinetier consiste à se dire « je vais offrir quelque chose qui m’émerveille moins (ou que j’ai en double) en échange de quelque chose qui m’émerveille beaucoup ». Et basta pour la valeur marchande !
C’est dans cette optique (!) que j’ai conduit mon échange avec un collectionneur italien de spécimens naturels (le web est une chose merveilleuse pour ce qui est des rencontres internationales !). Le monsieur possède une collection qui occupe toute sa maison, ce qui inclut plus de 10 000 insectes, 6000 minéraux, 400 crânes et des herbiers s’étalant sur 30 mètres de tablettes.
Le monsieur rachète souvent d’anciens lots, lesquels sont souvent accompagnés de livres et d’appareils scientifiques anciens — ce qui ne l’intéresse aucunement. Revendre ces objets chez des antiquaires (ce qui, là aussi, est un sacré jeu de « qui va gagner ? ») ne l’intéresse pas car il ne désire pas se tenir au courant des prix ; de plus, les lois italiennes l’obligeraient à déclarer ce revenu.
Il lui est donc plus rentable, pour sa collection, de s’adresser aux cabinetiers.
Parler à d’autres collectionneurs ne l’amènerait pas à grand-chose : ou bien ils collectionnent la même chose que lui et ne seront pas intéressés par les appareils scientifiques ; ou bien ils collectionnent les appareils scientifiques et n’auront rien à lui offrir en échange.
C’est à ce moment que les rencontres cabinetiers/collectionneurs sont fructueuses. Comme il possède déjà une vaste collection de spécimens européens, asiatiques, africains et sud-américains, il s’est tourné vers l’Australie et l’Amérique du Nord. Je fus le premier à lui proposer un lot à son goût (les lois du Québec sont plus lousses à ce sujet, sauf pour le CITES bien sûr) et c’est ainsi que, pour 28 échantillons de minéraux du Québec, deux fossiles de Ste-Catherine de la Jacques-Cartier, dix-huit insectes québécois, un crâne de pékan, de cerf de virginie et de caribou, divers végétaux secs (trilles rouges et blancs, droséra et sarracénie, notamment) et quelques autres trucs, j’ai pu obtenir ce splendide télescope.
Désolé pour l'arrière-plan, j'ai pas fini mes rénovations...
Je le dis tout de suite : le monsieur n’avait aucune idée de l’authenticité du télescope, ni de son âge et me l’échangeait « tel que vu ». Il a été très honnête là-dessus (considérant qu'il compte sur moi pour enrichir davantage sa collection, il a tout intérêt à l'être !).
Je ne sais pas trop quoi penser de cet échange. J’en suis très satisfait, bien sûr : comme je n’ai donné que des spécimens que j’avais en double, alors je n’ai rien perdu… mais est-ce un vrai télescope d’époque ou est-ce une copie ?
Le premier truc à spécifier, c’est qu’il fonctionne. Je ne suis vraiment pas un spécialiste en matière de télescope, mais en me basant sur le télescope que mon frère avait quand il était adolescent, je dirais que l’image est claire jusqu’à environ à 30X... au pif.
Bref, si c’est une copie, c’est une copie qui fonctionne.
Les matériaux sont aussi authentiques. Le bois du trépied est de l’érable, ça j’en suis assez sûr côté poids, texture, absorption de la cire (lors de la restauration) et odeur (lors du micro-ponçage des petits éclats) — je commence à m’y connaître en essences de bois à force de fabriquer des meubles et des armoires.
Le télescope lui-même est en laiton massif, très lourd. Il porte l’inscription « H Fitz New York » : Henry Fitz était l'un des premiers fabricants américains de télescopes importants. D’abord astronome amateur, il a fondé une entreprise prospère d’appareils d’observation, et quarante pour cent de tous les télescopes vendus aux États-Unis de 1840 à 1855 venaient de son entreprise.
Bon, c’est bien beau tout ça mais encore une fois, est-ce authentique ? Les copies d’antiquités abondent sur le web ; même chez Renaud Bray, vous pouvez acheter des copies de longue-vue en laiton avec imitation du sceau du fabricant d’origine, pour une cinquantaine de dollars… bon, mon télescope est quand même beaucoup plus imposant que ces décorations de bureau, mais quand même…
J’en saurai sûrement davantage à mon prochain rendez-vous chez monsieur et madame Bolduc…
À suivre !
L’important dans tout cela c’est que, copie ou non, j’adore ma nouvelle acquisition obtenue en échange de mes doublons. Et c’est tout ce qui compte !
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