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Avant-propos
Ça faisait longtemps que je n’avais pas parlé de minéralogie. Il y a une raison pour cela.
L’un de mes commentateurs s’acharne à polluer le blogue de propos ésotériques à chaque fois que j’aborde la minéralogie, peu importe le nombre de fois où j’ai dû supprimer et resupprimer ses commentaires. Avant, j’étais plus indulgent, désirant respecter les croyances de chacun. Mais à présent, j’en ai plein la tuque de son acharnement. Je l’ai bannie, elle s’est créé un nouvel acompte sous prétexte de « m’éclairer ». Mademoiselle qui me lisez, vous vous reconnaissez. Mais l’avertissement compte également pour n’importe quel autre lecteur.
Si vous désirez croire qu’un morceau de dioxyde de silicium peut vous soulager des symptômes de votre trouble bipolaire pour l’unique raison que ses atomes sont organisés de manière régulière, libre à vous. Allez jaser de votre pendentif de quartz sur un blogue où d’autres gens partagent vos croyances.
En ce qui me concerne, les minéraux sont des minéraux. Les seules énergies qu’ils dégagent sont celles que la science peut mesurer et quantifier. Porter un minéral sur soi n’a aucune propriété magique et n’apporte aucune guérison outre un possible effet placebo — mais on pourrait en dire autant des garnottes de mon entrée de cour. Lorsque j’évoque les croyances et superstitions historiques liées aux minéraux, c’est dans le but de contextualiser l’importance du minéral à travers l’Histoire.
Bref…
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Alors aujourd’hui je vais vous entretenir des minéraux de carbonate de cuivre hydraté, une famille de minéraux que j’ai particulièrement pour leur beauté mais aussi pour la façon dont ils ont marqué l’imaginaire et qu’ils continuent de me faire rêver.
Je commence par mon préféré de la bande, l’oxyde vert de cuivre, mieux connu sous le nom de malachite. C’est un minéral que j’aime tout spécialement, autant pour son apparence que pour la façon dont on le trouve dans la nature.
La malachite est un minéral d'hydroxyde de carbonate de cuivre.
Ce minéral opaque à bandes vertes cristallise dans les fractures et les espaces souterrains profonds, où la nappe phréatique et les fluides hydrothermaux fournissent les moyens de précipitation chimique.
Ce que peu de gens savent, c’est qu’on le retrouve généralement notamment sous forme de stalagmites.
C’est quelque chose que je trouve spécialement merveilleux. Vous imaginez ? Une caverne aux stalagmites verts chatoyants ? Un environnement idéal pour une scène de science-fiction ou de fantasy.
L’histoire d’amour entre l’humain et la malachite ne date pas d’hier. Le minéral a été largement exploitée dans les mines de Great Orme en Grande-Bretagne il y a 3 800 ans, à l'aide d'outils en pierre et en os. On l’extrayait surtout pour produire du cuivre, en fondant la malachite.
Les poussières vertes qui résultaient de l’opération ont été comme pigment minéral depuis l'Antiquité pour rendre certains tons bleu-vert clair et lumineux. Cette pratique est demeurée en usage longtemps. C’est de la malachite que Raphaël dans son tableau La Madone Sixtine, pour les draperies vertes à gauche et à droite en haut du tableau.
Bien entendu, qui dit minéraux dit superstition et croyances erronées, telles que celles-ci.
Dans l'Egypte ancienne, la couleur verte était associée à la mort et au pouvoir de la résurrection ainsi qu'à une nouvelle vie et à la fertilité. Les anciens Égyptiens croyaient que l'au- delà contenait un paradis éternel, appelé « Champ de Malachite », qui ressemblait à leur vie mais sans douleur ni souffrance.
Au Moyen Âge, il était d'usage de le porter gravé d'une figure ou d'un symbole du Soleil pour maintenir la santé et éviter la dépression.
Une superstition espagnole du XVIIe siècle soutenait qu'avoir un enfant portant une pastille de malachite l'aiderait à dormir et à éloigner les mauvais esprits.
Le masque funéraire de la Reine Rouge de Palenque est réalisé à partir d'une mosaïque de malachite.
La malachite fut employée de tout temps en joaillerie, en sculpture et en architecture. Les Russes et les Chinois en ont été spécialement friands et restent les spécialistes de la taille de la malachite.
D’abord présente dans sous forme de stalagmite, la malachite est généralement tranchée puis polie pour obtenir des plaques.
On la taille ensuite pour la repolir et c’est la forme du cabochon qui semble lui convenir le mieux.
Mon propre morceau de malachite vient de la Russie. C'est un morceau de taille modeste, disons comme une grosse clémentine, mais j'aime qu'il soit brut plutôt que les pierres polies dont sont friands la plupart des amateurs. D'ailleurs, je préfère autant que possible avoir mes minéraux à l'état brut.
Et si on se rapproche...
...quelques petites brisures nous révèlent les anneaux de mon échantillon de malachite.
Autres membres de la famille
La turquoise
La turquoise est une espèce minérale composée de phosphate hydraté de cuivre et d'aluminium. Elle a été appréciée comme gemme et pierre ornementale depuis des millénaires, aussi bien en Égypte, en Perse, en Chine, en Mésoamérique. Malgré sa couleur unique, cette gemme a été dépréciée, comme la plupart des gemmes opaques.
Mon propre morceau de turquoise provient aussi du Tibet, mais il s'agit d'un cabochon poli et carré. Je trouverai bien un morceau brut un de ces jours.
L'Azurite
L'azurite est connue depuis le XXVIIe siècle av. J.-C. : il existe des traces d'azurite en poudre dans les pots d'onguent égyptiens de la IVe dynastie égyptienne. Les Grecs la désignaient sous le terme de kuanos (κυανός qui a donné le mot cyan) et les Romains sous celui de cœruleum (qui donnera céruléen).
Comme la malachite, l'azurite peut être utilisée comme pigment. Les analyses chimiques des peintures du Moyen Âge montrent que l’azurite a été communément utilisée par les peintres médiévaux. Cependant, l'instabilité de ce pigment fait que la couleur, avec le temps, a tendance à virer au vert
C'est donc un échantillon minéralogique qui me cause des tracas. En effet, l'azurite est un minéral très recherché pour sa couleur et son éclat, mais les échantillons se ternissent avec le temps. Elle doit être conservée autant que possible à l'abri de la lumière, sans écart de température. En ce moment, elle est encore dans l'une des boîtes non déballées de mon déménagement, mais je me propose de l'exposer dans un coffret aux parois opaques avec une seule face vitrée, alignée vers le mur opposé au soleil.
Chrysocolle
Le moins connu des quatre, le chrysocolle est composé de malachite et turquoise. C'est un produit de décomposition des minerais de cuivre, spécialement dans les régions arides.
Utilisé depuis l'Antiquité, il peut être confondu superficiellement avec la turquoise mais sa couleur est réputée comme encore plus fine même si elle a moins de valeur.
Un autre « croisement » : la malacolla
Comme son nom l’indique, la malacolla est composée de malachite et de chrysocolle. C’est un minéral qu’on retrouve surtout au Congo, où on l’associe à la fertilité féminine.
Bah oui, j'ai commencé à numéroter mes minéraux, j'ai beau reconnaître la plupart à l'oeil, ma collection englobe plus de 300 variétés et plusieurs se ressemblent.
Le croisement des quatre : la Pierre d'Eilat
La pierre d'Eilat est la pierre nationale de l'Israël. C'est une pierre bleue et verte, que l'on trouvait dans les mines du Roi Salomon (d'anciennes mines de cuivre égyptiennes, il y a 6000 ans), dans la région de Timna, à Eilat dans l'extrême sud de l'Israël; ces mines sont le lieu, aujourd'hui de fouilles archéologiques et il est possible de les visiter.
La pierre d’Eilat est composée à la fois de malachite, de chrysocolle, d’azurite et de turquoise. Je n’en possède pas malheureusement pas d’échantillon.
Dans les mythes du judaïsme antique et dans les religions du croissant fertile arabe, la pierre d’Eilat est utilisée pour convoquer les démons qui vivent dans les profondeurs de la Terre ou aux confins des astres. Les cités et les palais des puissances obscures seraient en pierre d’Eilat.
Selon des fans de l’Érudit de Providence qui en savent plus que moi, il s’agirait de la pierre à laquelle Lovecraft fait allusion sous le nom "pierre de Mnar"dans « La Cité sans Nom » et « La Malédiction de Sarnath » (la statue du Dieu-Lézard) ; cela s’accorde géographiquement avec ses histoires et littérairement avec ses champs d’intérêts au moment où il a rédigé ses textes. Bien que cela ne soit pas spécifié, l’idole dans la nouvelle « L’Appel de Cthulhu » semble aussi faite de cette pierre, probablement pour se faire un clin d’œil à lui-même.
Non, ce n'est pas la "vraie" statuette... du moins, c'est ce que je dis aux gens.
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