J’ai parlé dans le passé de mon intérêt pour les légendes (ancestrales ou modernes) liées aux concrétions (la précipitation de minéraux autour des particules). Dans un billet précédent, j’ai évoqué les billes Moqui qui m’ont toujours fascinées.
Ma bille Moqui
Je rêve également d’une sphère de Klerksdorp, mais nous
avons également nos propres pierres mystérieuses au Québec et je suis très fier
d’en avoir un exemplaire.
Dans la vallée de la rivière Harricana en Abitibi-Témiscamingue,
on trouve des concrétions évoquant d’étranges sculptures — par paréidolie, elles
évoquent les statuettes préhistoriques comme la Vénus de Willendorf.
Ces « Pierres des Esprits » se sont formés au cours de milliers d'années par dépôt de carbonate de calcium sur de petits cailloux. On raconte que les Premières Nations les attribuaient au Peuple des Rivières, qu’on nommait maymaygwashi en langue ojibwée, bien qu’ils aient d’autres dénominations chez différentes nations. P.B. de la Bruère, au XIXe siècle, évoque cette créature mythique dans La Sirène du Lac Supérieur.
Les Amérindiens de différentes nations les auraient portés
comme porte-bonheur lorsqu'ils partaient en expédition de pêche ou de chasse,
ce qui les aurait protégés contre les mauvais esprits, grâce à la magie du
Peuple des Rivières.
Bien sûr, comme il n’y a pas de traces écrites de tout cela,
il est toujours délicat d’évoquer une légende autochtone considérant que
plusieurs furent littéralement inventées par les Blancs — la légende du « Rocher
de Grand’Mère », dans le coin où je suis né, est d’ailleurs un bel exemple
de légende montée de toutes pièces. Alors les Premières Nations ont-elles vraiment attribué ces vertus aux concrétions de l'Harricana ? On ne saura probablement jamais. Mais passons…
Les Pierres des Esprits se sont probablement formées sous un glacier, qui s'est retiré il y a des milliers d'années. Ils ont ensuite été emportés par l'eau et déposés le long des rives de certains lacs et rivières. L'une des principales rivières où on les trouve (et c’est de là que j’ai déniché la mienne !) est la rivière Harricana, la deuxième plus longue rivière du Canada. C'est un boulot fastidieux d'en chercher, considérant qu'elles reposent dans l'argile et qu'elles ont toutes l'air banales à première vue. Il faut donc fouiller la terre glaise et examiner les cailloux qu'on y trouve. Mais bon, quand on désire mettre la main sur une curiosité, il faut s'avoir s'armer de patience ou sortir son chéquier.
Seulement voilà, je n'ai pas la fortune des cabinetiers de jadis et, admettons-le, c'est tout de même plus drôle de partir à l'aventure... et on tire bien plus de satisfaction à exposer une trouvaille bien à nous qu'un banal achat...