C’est le 24 on jase de poissons ! (en fait nous sommes le 25
mais les billets risquent d’être un peu décalés durant quelques jours).
L’une des choses étranges qui devient banale quand on est
cabinetier, c’est de recevoir un texto du genre « j’ai un truc mort, le
veux-tu ? ». Je suis toujours bien content d’acquérir un nouveau spécimen,
mais parfois les circonstances du décès m’attristent ou me frustrent.
C’est le cas pour mon chelmon momifié.
Le chelmon à bec médiocre (Chelmon rostratus) est une espèce
originaire des récifs de l'océan Pacifique et Indien. Magnifique lorsqu’il est
vivant, il est très convoité des aquariophiles.
C’est toutefois un poisson complexe à garder en captivité.
Voyez-vous, la base de l’alimentation de ces poissons consiste en parasites qui
infestent le corps des autres poissons. Dans un vaste aquarium à l’écosystème
savamment calculé, le chelmon est un atout majeur pour la santé des autres
pensionnaires (un peu comme les espèces nettoyeuses de vitre ou de fonds). Il s’agit,
toutefois, d’un défi pour aquariophiles avertis. On peu également amener le
chelmon à s’alimenter de petits invertébrés mais cela constitue encore un défi
de taille.
La personne m’ayant offert le chelmon était à son premier
aquarium. Elle a acheté cinq ou six poissons exotiques en se basant uniquement
sur ses critères esthétiques, s’est renseignée auprès d’un commis qui ne
semblait guère plus informé… et deux semaines plus tard, tout les poissons flottaient
sur le dos.
Je trouve cela d’une totale bêtise, mais bref.
C’est d’abord à l’alcool éthylique 99%, puis au borax, au
silicate et finalement à l’alcool isopropylique qu’on préserve un poisson. Le
processus, malheureusement, estompe les couleurs : d’ailleurs, saviez-vous
qu’il existe des peintres spécialisés pour repeindre les couleurs des spécimens
de musée ?
Je n’ai pas de talent en peinture alors j’ai préféré garder mon chelmon tel quel. On parvient quand même à distinguer l’ocelle noir sur la nageoire dorsale : il imite un œil et permet au poisson d’échapper aux prédateurs qui, d’instinct, attaquent la tête. Une bande colorée dissimule l’œil « véritable ».
Le chelmon est une excellente espèce pour expliquer la
sélection naturelle à des enfants, car on peut très facilement faire le lien
entre l’apparition d’une tache sur la nageoire, la disposition des bandes colorées et la survie du poisson — ainsi que sa chance de transmettre ses gènes,
obtenant des descendants partageant sa particularité qui seront mieux protégés
que leurs semblables, se reproduisant à leur tour… transformant lentement l’espèce
par sélection naturelle.
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