— Quel genre de thermomètre vous avez utilisé pour
prendre la température de votre fille ?
— Un thermomètre à alcool.
— À alcool ? Ça serait mieux un thermomètre pour les
humains, soit numérique, soit au mercure.
— Non, c’est un thermomètre pour les humains mais il y a
de l’alcool dedans. Tsé, le liquide rouge.
— C’est ça, le mercure.
— Non madame, le mercure c’est argenté et c’est
dangereux. Je vous parle d’un thermomètre avec un liquide rouge, de l’alcool
coloré.
— J’ai jamais entendu parler de ça pis ça fait six ans que
je suis infirmière. Vous avez acheté ça sur Internet ?
— Non, à la pharmacie…
*
La dialogue ci-dessus est aussi
fidèlement rapporté que possible et date de la dernière grippe (pas juste un
rhume !) de ma fille. Mon interlocutrice était l’infirmière d’Info-Santé.
Mon intention ici n’est pas de la
dénigrer ou de m’en moquer, mais bien de montrer à quel point certains vieux
matériaux ont marqué notre inconscient collectif au point qu’on ne sache même
pas ce qu’on utilise.
Par exemple, il n’y a pas de
plomb dans nos « crayons de plomb » actuels. Vous imaginez les enfants
respirer de la poudre de plomb en écrivant chaque jour de leur scolarité ? (Je
vous montrerai un de ces jours, j’ai un vrai crayon de plomb conservé dans une
éprouvette bouchée).
Dans le même ordre d’idée, on
aura tendance à dire qu’un thermomètre traditionnel est un « thermomètre
au mercure » même s’il ne contient pas de mercure.
Ceci N’EST PAS un thermomètre au
mercure.
Sauf s’il y a présence
exceptionnelle de cinabre, le mercure n’est pas rouge, mais bien argenté, d’où
son ancien nom de « vif-argent ».
***
Si déjà les anciens Grecs avaient inventé un appareil pour mettre en évidence les effets de la chaleur (le thermoscope), on considèrent que les premiers vrais thermomètres furent ceux élaborés par Ferdinand II de Médicis (1654), qui utilisaient de l'esprit-de-vin
(éthanol).
Le modèle le plus répandu était
divisé en 50 degrés, marquait 10 degrés en hiver et montait, en été, à 40
degrés. Dans la glace fondante, il indiquait 13,5 degrés. Ce modèle, connu sous
le nom de thermomètre florentin, fut fabriqué en de multiples endroits et resta
en usage jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
En 1717, le savant allemand Gabriel
Fahrenheit remplaça l'alcool par du mercure et donna au thermomètre sa forme
définitive. Il proposa également la première échelle de températures à être
adoptée assez largement, fixant à 32 °F la température de la glace fondante et
à 96 °F la température normale du sang : 32 °F est alors le point de fusion de
la glace et 212 °F est le point d'ébullition de l'eau sous pression
atmosphérique normale.
Le physicien suédois Anders Celsius fit construire en 1741 un thermomètre à mercure, gradué de sorte que 100° correspondît au point de congélation de l'eau, et 0° à son point d'ébullition ; la graduation était donc inverse à celle que nous utilisons actuellement. C'est le célèbre naturaliste suédois Carl von Linné qui inversa l'échelle de Celsius pour lui donner sa forme actuelle, de 0 à 100.
Dès le XIXe siècle, pour des raisons de
prix de revient et de santé publique, on recommença à utiliser l'alcool pour les thermomètres. En cas de bris, l'alcool s'évapore rapidement et sans grand danger, alors que le mercure est un très dangereux poison résiduel.
Mon thermomètre au mercure
L'une des choses que j'adore de mon thermomètre au mercure, c'est son étui sécuritaire, en bois dur, dans lequel on range l'appareil après l'avoir roulé dans un morceau de cuir. Non seulement cela limite les chances de bris, mais le mercure s'y trouve piégé assez longtemps pour qu'on puisse disposer du tout sécuritairement.
Reste quand même que je le range hors de portée de mes enfants.
Grâce à Science Museum Group, j'ai pu déterminé que mon thermomètre au mercure datait d'entre 1850 et 1924, mais plus probablement d'entre 1868 et 1880.
C'est un objet que j'ai déniché il y a une quinzaine d'années alors que j'explorais une grange abandonnée au fond d'un champ appartenant au père de ma conjointe d'alors. Il est possible que cet appareil fut utilisé pour préparer de l'alcool campagnard (ce qu'on appelle baboche dans mon coin), d'autant que des bouteilles et des entonnoirs jonchaient le sol.
De nos jours, les thermomètres du genre sont plutôt convoités dans les cabinets.
J'ai aussi trouvé un autre appareil dans cette grange, un hydromètre de la Fisher Scientific Co, ce qui confirmerait l'hypothèse de l'alambic à baboche... mais je reviendrai sur cet appareil une autre fois.
Salut Sébastien,
RépondreSupprimerDans mes cours de chimie et de physique, il y a des éons de cela, nous utilisions le même genre de thermomètre au mercure. La seule différence était l'étui, qui était en plastique. Ce sont malheureusement des choses relativement fragiles. Je me rappelle en avoir cassé un, et avoir ramassé les gouttes de mercure avec mes doigts !
Première réaction : n'essayez pas ça à la maison ! Seconde réaction : n'y avait-il personne pour te mettre en garde !?
SupprimerL'épisode n'a duré qu'une minute. J'ai survécu. Mais ce n'est pas recommandé d'essayer.
Supprimer