Pour
les Fêtes, j’ai reçu un cadeau extraordinaire : une copie antique (du
moins, elle sera antique dans trois ans, quand elle aura 100 ans) des poèmes d’Edgar
Allan Poe traduits par Stéphane Mallarmé.
L’édition est protégée par un coffre au motif de papier d'Augsbourg.
Non
seulement cette édition est très ancienne, mais il s’agit d’un tirage pour
collectionneurs. On peut voir que seuls 40 exemplaires furent imprimés sur
papier des manufactures impériales du Japon, numérotés de 1 à 40 ; mon
exemplaire est le no 25 de ce tirage très limité.
Ces quarante exemplaires furent également accompagnés d’originaux des eau-fortes qui illustrent le texte.
Le soir même, j’avais publié ces
photos sur les cybergroupes de cabinetiers que je fréquente : s’il m’arrive
qu’on me fasse des offres, jamais ce ne fut plus stupéfiant que cette fois-là.
Au cours de la dernière semaine, j’ai reçu 31 offres (!) d’achat ou d’échange.
Bien entendu, j’ai décliné chaque proposition car il s’agit d’un cadeau. Il ne
faut pas oublier non plus que tout un pan de la « sous-culture cabinetière »
s’identifie comme « gothique » ou « emo » et que Poe est,
très souvent, l’un de leurs auteurs fétiches.
(Les cabinets de ces gens s’orientent
surtout vers l’ostéologie, la taxidermie et des minéraux suivant la mode
ésotérique pour les naturalia et
les objets religieux ou macabres pour les artificialia. C’est un autre
genre de sensibilité qui me rejoint moins, et c’est un avantage : comme nos
intérêts divergent, nous pouvons mutuellement nous échanger des trouvailles qui
nous plaisent moins).
Ma découverte de Poe
Assez étrangement, c’est la
littérature pour enfants et les Simpson (!) qui m’ont amené à lire la poésie d’Edgar
Allan Poe. Le premier poème du Sombre Maître que j’ai lu est Annabel Lee
(traduction de Mallarmé) sous forme d’album illustré par Gilles Tibo. J’écrivais
de tout, étant enfant (encore aujourd’hui, remarquez) et je rédigeais notamment
de petits poèmes, d’abord de simples phrases rimées sur toute sorte de thème,
comme les dinosaures ou les saisons. J’avais demandé à la bibliothécaire s’il y
avait des poèmes pour enfants et elle m’avait déniché le livre de Tibo.
Ceux qui connaissent le texte savent qu’il s’agit là d’un poème vraiment tragique. J’avais été littéralement bouleversé : on ne tue pas souvent les jeunes filles dans la littérature pour enfants. Les mots [glaçant et tuant mon Annabel Lee] m’avaient hanté durant des jours.
La même année (je crois), TQS avait
diffusé la traduction québécoise de l’épisode des Simpson Treehouse of
Horror 1, spécial d’Halloween où la célèbre famille rejoue Le Corbeau
d’Edgar Allan Poe. Notez qu’il ne s’agit pas d’une parodie mais bien d’une mise
en scène: le poème est narré textuellement (suivant la traduction de Mallarmé)
et si Homer et « Corbeau-Bart » se comportent de la manière qui fait
leur célébrité, il n’en reste pas moins que le texte est respecté à la virgule
près.
Je n’avais pas trouvé cette partie de l’épisode très drôle, mais j’avais prêté une attention particulière au texte, le nom d’Edgar Allan Poe m’étant désormais familier.
J’ai voulu, par la suite, emprunter
un recueil d’Edgar Allan Poe à la bibliothèque mais la bibliothécaire, s’arrogeant
le droit de juger quelles lectures convenaient à un enfant (ça arrive souvent
dans les bibliothèques de village) l’avait refusé — pourtant elle m’avait
suggéré l’album de Tibo, allez comprendre…
Le Corbeau et Annabel Lee
ont beaucoup influencé ma façon d’écrire de la poésie (je n’en ai pas publié
jusqu’à présent et comme il s’agit d’un milieu totalement différent à percer,
je ne crois pas que je le ferai un jour).
C’est en entrant au secondaire que j’ai
eu enfin accès aux textes de Poe. Tout m’a plu : ses poèmes, bien sûr,
mais aussi ses récits macabres qui sont un excellent cours sur l’art de la
chute en écriture de nouvelle — et que dire des Aventures d’Arthur Gordon
Pym, récit d’exploration par excellence !
Deux hommages valent la peine d’être
citées : d’abord le film The Raven (2012) avec John Cusack dans le
rôle Edgar Allan Poe (contrairement à la plupart du monde, je l’ai bien aimé) ;
puis « Confession d’un mort » de Catherine Dufour, un pastiche
de la plus belle eau.
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